Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se rattachent ainsi à Descartes. » Et, donc, les principales doctrines de la philosophie moderne proviennent de Descartes. Biot disait de la géométrie cartésienne : « proies sine matre creata. » M. Bergson le dit de la philosophie cartésienne qui, malgré de petites analogies avec telles ou telles doctrines antiques ou médiévales, ne doit rien d’essentiel à aucune philosophie antérieure : mater, non sine prole defuncta. Géométrique, la philosophie de Descartes a fondé le rationalisme : et la philosophie moderne est rationaliste. Elle n’est pas uniquement rationaliste et, de nos jours, fait à l’intuition la place plus grande. Cette nouveauté, si elle ne dérive pas de Descartes, elle a eu son précurseur en Pascal qui intronise le « sentiment » et qui, par l’esprit de finesse, corrige le raisonnement géométrique. Mais, dans le cartésianisme, l’intuition n’est pas rien, si la première évidence, le cogito, ergo sum, a le caractère d’une certitude intuitive.

Les sciences qui ne sont point absolument d’origine française, le génie français les a cultivées, enrichies et bien des fois renouvelées de telle sorte que la collaboration de nos savans y apparût comme une création. L’égyptologie, avec Champollion, Mariette et Maspéro ; la sinologie, avec nos jésuites et avec Abel Rémusat, Stanislas Julien, Chavannes et Pelliot (ce ne sont pas tous les noms qu’il faudrait citer) : voilà deux sciences très exactement françaises. La philologie latine et hellénique n’appartient à personne en particulier, date de Rome et d’Athènes. Mais enfin, le moyen âge en a maintenu la tradition perpétuelle ; et Paris a été, pendant le moyen âge, le centre de la pensée universelle. Dès le début de la Renaissance, lorsque l’antiquité s’épanouit, elle a chez nous les soins des Simon de Colines et des Budé, Turnèbe, Scaliger, Estienne. Dans les âges suivans, elle est vivifiée, nourrie par nos intelligens et fervens humanistes ; plus tard, le nombreux détail de son culte est sans relâche assuré par nos archéologues, épigraphistes, linguistes et grammairiens. En nul pays la critique verbale n’est plus attentivement pratiquée que chez nous par un Thurot, par un Tournier. Nulle part, hellénisme et latinité n’ont de plus parfaits interprètes que ne sont chez nous les Henri Weill et les Croiset, les Boissier.

Certaines études ont assez naturellement leur foyer dans certains pays ; et les études hispaniques, l’Espagne les préfère. Mais, en France, les Bénédictins de Cluny et de Cîteaux ne les négligeaient pas. Et puis, « c’est d’après Brantôme qu’on a parlé du friand espagnol et Antonio Perez n’a fait tout son tapage qu’en venant à la Cour de notre Henri IV. » Dès le XVIIe siècle, on imprime à Paris des méthodes