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REVUE SCIENTIFIQUE

SCIENCE ET GUERRE

Dans le rapport qu’il a adressé récemment au Président de la République et qui a amené l’institution d’un « ministère des Inventions » intéressant la défense nationale, incorporé à celui de l’Instruction publique, M. Painlevé s’exprimait ainsi : « La guerre à mesure qu’elle se prolonge prend de plus en plus le caractère d’une lutte DE SCIENCE et de machines… » ; et plus loin : « la mobilisation industrielle doit être complétée par la mobilisation scientifique. »

C’est la première fois, à ma connaissance, que dans un document gouvernemental on admet officiellement la science à jouer un rôle dans les affaires de l’État.

Jusqu’ici la « nouvelle idole » n’avait été admise que comme une parente pauvre autour des tapis verts sur lesquels se jouent les destinées du peuple. La Science n’était guère considérée par les pouvoirs publics, et par le public dont ils sont le miroir, que comme une chose un peu nuageuse et extra-terrestre quoique digne assurément de la plus grande révérence, et à qui en conséquence on consacrait bon an mal an quelques centaines de mille francs dans les budgets. Elle était une sorte de luxe national, et sans utilité générale reconnue C’étaient là des panaches coûteux et sans autre profit que d’élégance, dont la République aimait à parer son bonnet phrygien parce qu’elle était… du moins on le dit… athénienne. L’Institution d’un organisme national destiné exclusivement à faire participer la science aux nécessités de l’heure, n’est donc rien moins qu’une sorte de révolution, encore qu’elle consacre seulement un état de choses existant depuis longtemps. Et cette révolution qui, à l’encontre de tant d’autres, aura des lendemains, nous impose quelques réflexions, les unes d’ordre philosophique, les autres d’ordre pratique. C’est par les