Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant pour objet d’interrompre les facilités d’ordre commercial dont, jusqu’à présent, la Grèce jouissait de leur part... Dès que leurs doutes à cet égard, dus peut-être à un malentendu, auront été dissipés, les Puissances alliées seront heureuses de lever les obstacles qu’elles opposent actuellement à l’arrivée des marchandises à destination de la Grèce et d’accorder derechef à cette dernière toutes les facilités qui découlent naturellement des relations normales. »

Quelles étaient les mesures prises? Le bruit a couru que l’Angleterre avait mis l’embargo sur les navires grecs en partance dans ses ports. Il n’en était rien; l’Angleterre n’avait eu aucune intention de ce genre; les navires grecs ont toujours pu partir, mais vides ; or la Grèce n’a pas de ressources suffisantes pour son alimentation, et elle ne peut vivre qu’à la condition de les recevoir du dehors. Tout le monde sait d’ailleurs qu’elle est un pays essentiellement commerçant et que presque tout son commerce est maritime; c’est par la mer que la Grèce importe et exporte ; c’est par la mer qu’elle respire. Elle a dès lors un intérêt vital à entretenir de bons rapports avec les Puissances qui en sont maîtresses. Elle ne peut pas rompre avec ces Puissances, car toute la machinerie allemande ne la protégerait pas contre leur hostilité. Mais il ne s’agissait pas d’hostilité : les Puissances ont voulu seulement rappeler la Grèce au sentiment de ses vrais intérêts, et elles l’ont fait très doucement. Il leur aurait été facile, si la situation s’était aggravée, de procéder a des démonstrations successives et graduées qui auraient donné la preuve de leur force. La Grèce, en effet, est aussi insulaire que continentale. Ses îles qui, dans ces derniers temps, ont augmenté en nombre et en importance, sont une grande partie de sa richesse, et son avenir est sur l’eau beaucoup plus sûrement que celui de l’Allemagne. Mais aussi, par ses îles, elle est continuellement accessible et vulnérable. Comment ces pensées ne seraient-elles pas venues en foule à l’esprit des Grecs, lorsqu’ils ont vu prendre à leur sujet une mesure qui pouvait sembler un commencement de rigueur? Ils se sont émus; ils se sont demandé ce qu’on attendait d’eux et si, par exemple, les Alliés n’avaient pas pour intention finale de les obliger à sortir de la neutralité et à participer au conflit qui ensanglante l’Europe. La note de la légation d’Angleterre aurait cependant dû les rassurer, car elle protestait contre tout projet de ce genre. En tout cas, s’ils en avaient encore l’appréhension, elle a été dissipée par les déclarations que notre ministre, M. Guillemin, a faites à un rédacteur du journal Patris. « La Grèce, a-t-il dit, a le droit de disposer à