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nationale : il voyait de quelle immonde propagande elle inondait les villes et les campagnes, inventant même des engins destinés à faciliter le plaisir sans mesure et la sécurité dans l’égoïsme. N’oublions pas la découverte qu’il avait faite de l’origine certainement germanique de beaucoup de ces brochures, images et outillages qui affichaient frauduleusement l’étiquette française.

Mais pour le criminaliste alarmé, de quoi s’agissait-il dès lors ? D’une grande interpellation terminée par un ordre du jour…, aussitôt oublié ? De faire voter un projet de loi en le garnissant de dispositions nouvelles ou renouvelées et de l’étayer d’une circulaire de plus du garde des Sceaux ? Il est bien vrai qu’un sénateur aussi zélé ne pouvait négliger aucun de ces moyens : il fit donc remanier les textes en vue de les rendre plus efficaces, tantôt par plus de sévérité, tantôt par une rédaction et des sanctions qui n’effrayassent pas trop les timides jusqu’à les acculer à un acquittement complet. Quant aux discussions destinées à saisir l’opinion publique et à la remuer, il ne les ménageait ni dans les sociétés, ni dans les congrès, ni dans les séances exceptionnelles où il convoquait le plus de monde possible pour y faire entendre, à l’appui de ses thèses, des orateurs de toute opinion, de toute confession… mais à côté de ce mode d’action il en pratiquait un autre qui lui demandait beaucoup de temps et lui rapportait peu de gloire : correspondance avec les journaux, les revues et autres organes de publicité ; envois d’avis destinés à arrêter les pornographes ; visites au parquet et aux cabinets d’instruction : on se figure assez combien une telle besogne est absorbante, difficile et ingrate.

Ce qui la relevait, si toutefois elle eût besoin d’être relevée, c’était que celui qui se l’imposait à lui-même entendait bien la compléter par des mesures de préservation et de salut. Il n’y avait d’ailleurs là pour lui qu’une application de plus de la double méthode qu’il avait préconisée toute sa vie, répression et patronage, patronage de ceux qui ont fait le mal, comme de ceux qui en ont souffert, sinon avec une pleine innocence, du moins avec une faiblesse abusée, les pires conséquences. C’est pourquoi, sans être précisément l’initiateur de l’Œuvre de protection de la jeune fille et de l’Œuvre des gares, il y collaborait si volontiers.

Il est impossible de ne point parler ici des opinions qu’il professait et que dans des séances très importantes à la