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François de Carrare et son voisin de Ferrare, accouru pour la circonstance, firent à l’empereur un accueil des plus empressés. Un peuple immense encombrait les rues merveilleusement illuminées par une multitude de torches. Manuel était certainement à cheval avec toute sa suite dans les plus riches accoutremens orientaux. Après les salutations solennelles, les princes conduisirent leur hôte au palais, aux sons de mille instrumens, aux acclamations de la foule. Un festin, qui dura le reste de la nuit, termina cette réception grandiose.

Après quelques jours passés dans cette cité si opulente, si élégante, déjà si riche en chefs-d’œuvre de l’art, si hospitalière, l’empereur se rendit à Vicence. Nous ne savons, hélas ! rien de son séjour en cette belle cité. Après cette halte, un arrêt semblait s’imposer à Milan, mais le duc de cette ville, Jean Galéas Visconti, se trouvait pour lors à Pavie et c’est là que ce souverain, alors peut-être le plus fortuné, le plus puissant et le plus fastueux de l’Italie, attendait son auguste visiteur. Si celui-ci sur sa route s’arrêta à Milan, ce ne dut être que comme gîte d’étape.

A Pavie, la réception fut peut-être plus somptueuse encore qu’à Padoue. Tous ces princes italiens rivalisaient de luxe pour recevoir ce souverain oriental qu’ils avaient, depuis si longtemps, si honteusement abandonné. Jean Galéas était alors au plus haut point de sa fortune. Sa tête était pleine des projets les plus extraordinaires. Il ne rêvait de rien moins que de réaliser à son profit l’unité italienne. Il entrait dans ses plans de soutenir à Constantinople cet adversaire de la puissance ottomane qui, seul, maintenait encore les forces du sultan éloignées des rivages italiens de l’Adriatique. Il fit à Manuel et à sa suite les plus splendides et les plus nombreux présens. Il lui promit solennellement qu’aussitôt que les autres princes et souverains occidentaux s’apprêteraient à le soutenir, il se rendrait en personne avec toutes ses forces au secours de sa couronne et de son empire. Il mit le comble à tant de promesses et de prévenances en fournissant à l’illustre voyageur la plus nombreuse et la plus excellente escorte d’hommes et de chevaux pour son voyage en France à travers les Alpes. Combien il serait intéressant de pouvoir reconstituer par la pensée cette magnifique cavalcade qui, des plaines de l’Italie, transporta à travers les Alpes sauvages et glacées, nous ignorons par quelle route, probablement par celle du Mont-Cenis, dans les parages du Dauphiné,