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primauté papale, ce qui était bien maladroit de sa part, car il n’avait pas d’ami plus dévoué que le pape Boniface IX. Léon Allatius[1], le plus chaud partisan de la double procession et de la réunion des deux Eglises, ne peut retenir sa colère au seul titre de cet ouvrage qu’il avait sous les yeux et qui se trouvait à la Bibliothèque du Vatican dont il avait alors la garde.

Allatius continue en tournant en ridicule la longue et verbeuse réponse de l’empereur au si bref traité latin. Il ne craint pas de traiter de sots et de prolixes les argumens impériaux si passionnés. « Il faut dire, poursuit M. Berger de Xivrey, que la passion dont Allatius fait lui-même preuve infirme jusqu’à un certain point son jugement, et peut-être n’a-t-il pas toute la clairvoyance d’une vue impartiale lorsqu’il fait observer, en outre, que Manuel se déchaîne dans cet ouvrage contre l’Eglise romaine et contre le Pape. Mais l’obstination religieuse des Grecs les plus éclairés, qui achève ainsi d’être démontrée d’une manière complète par l’exemple du plus haut placé et du plus savant d’entre eux, motive suffisamment les doléances d’Allatius sur l’état désespéré d’une nation qui, dans les circonstances les plus critiques, ne voulut jamais sincèrement faire aucune concession au reste de l’Europe chrétienne, de qui seule elle attendait le salut. » Manuel s’intéressa aussi, dit M. M. Jugie[2], à la question du jour si ardemment débattue entre Dominicains et Franciscains : l’Immaculée Conception de la Vierge. Ainsi qu’en témoigne une de ses homélies pour la fête de la Dormition, le basileus se rangea du côté des Franciscains, défenseurs du privilège de la Mère de Dieu.

Manuel, malgré l’intransigeance de sa foi, continua, dit Lebeau, à visiter les temples parisiens, à converser avec les membres du clergé français, surtout avec les moines de Saint-Denys pour lesquels il avait une estime particulière, mais il n’en resta que plus fortement attaché à ses opinions religieuses, cherchant, comme je l’ai dit, à frapper les yeux de la foule française par la majesté du culte grec dans la chapelle qu’on avait disposée au Louvre à cet usage.

Voilà à peu près, tout ce que nous savons sur ce si long.

  1. Dans son ouvrage intitulé : De Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpetua consensione, Cologne, 1648.
  2. Le Voyage de l’empereur Manuel Paléologue en Occident. Échos d’Orient, t. XV.