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son embargo, et une pression fut faite sur ce pays par les Alliés, jusqu’à ce qu’enfin le courant des fournitures fût rétabli. »

Et le journal, dans une forme tout asiatique, termine ainsi : « Nous donnons, dit-il, cette histoire pour ce qu’elle vaut. Il peut y avoir là quelque vérité, mais nous doutons que ce soit la vérité tout entière. »

Toujours est-il que la période de tension eut une fin assez rapide ; l’habile attitude du gouvernement japonais, qui avait d’ailleurs obtenu sans coup férir d’immenses avantages en Chine, finit par être comprise du peuple, qui espère d’ailleurs toujours voir ses dirigeans compléter leurs succès, à la première occasion favorable. Les regards se portèrent de plus en plus du côté de la Russie, celle-ci ne devant plus être, dans l’avenir, une concurrente. Le travail des usines reprit, s’intensifia et, depuis plusieurs mois, l’aide précieuse que le Japon apporte à notre alliée lui permet enfin de faire face aux ennemis communs.

Mais l’attitude des Puissances, et particulièrement celle de la Grande-Bretagne, pendant les négociations, avait indisposé l’opinion publique japonaise ; on croyait dans les îles que la politique d’hégémonie allait pouvoir se réaliser d’un seul coup, et l’on en voulait à sir Edward Grey de son intervention. Pourquoi ne modifierait-on pas le système des alliances ? Si une alliance avec la Grande-Bretagne ne nous donne pas tous les profits que nous en attendons, si la présence d’un nombre important d’Anglais en Chine donne au Foreign Office le droit d’intervenir ainsi, pourquoi ne pas substituer au traité de 1902, renouvelé en 1911, une alliance avec la Russie ? La défaite fatale de l’Allemagne, les animosités contre elle qui vont résulter de la guerre lui fermeront, après celle-ci, le marché russe ; ne serait-il pas d’une bonne politique que nous nous fassions, au moyen d’un traité, une place privilégiée sur ce marché ? Au besoin, on pourrait aller jusqu’à un concours militaire.

Déjà, en mai, des journaux tels que le Yamato, l’Asashi parlaient de l’envoi possible de quatre corps d’armée sur le théâtre de la guerre européenne, à la condition, disaient ces feuilles impatientes, que la Triple-Entente signât un traité d’alliance offensive et défensive avec le Japon.

Plus tard, des interviews sensationnelles de personnages qualifiés, tels que l’ambassadeur du Mikado à Rome, mirent cette question grave au premier plan de l’actualité.