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gendarmerie du Grand-Duché, la réponse que nous allons rapporter ? Nous avons dit que le 2 août, de grand matin, des autos militaires allemands furent d’abord aperçus dans le faubourg de Clausen, situé au Nord-Est de Luxembourg. Prévoyant que les corps de troupes qu’on savait être en marche arriveraient bientôt aux portes de la ville, le président du gouvernement, M. Eyschen, donna l’ordre au major van Dyck de se poster au pont du Bock où aboutit la route de Trêves. Le major avait pour mission de remettre une protestation au premier officier allemand qui se présenterait. Arrivé au célèbre viaduc, connu de tous les touristes qui ont visité Luxembourg, le major van Dyck fit placer sa voiture en travers de la route et attendit les événemens. Bientôt débouche de la route de Trêves un automobile qui se met à gravir la pente du Bock. Mais voici qu’il s’arrête, puis, subitement, rebrousse chemin. C’est un train blindé qui, trois heures plus tard, amènera les premières troupes chargées d’occuper la capitale. L’officier qui commandait ce détachement fut prié de se présenter devant le chef du gouvernement, de faire connaître les ordres qu’il avait reçus. « Le major van Dyck vous attendait au pont du Bock, lui dit M. Eyschen. Pourquoi l’automobile qui se dirigeait de ce côté n’a-t-il pas poursuivi sa route ? » — « On a tiré su’ lui, » répondit l’officier allemand. — « Je vous donne à cet égard un démenti formel, repartit le major van Dyck qui assistait à l’entretien. J’étais là seul avec un de mes hommes et nous n’avions pas d’armes[1]. »


La violation de la neutralité du Luxembourg créait une situation particulière au point de vue diplomatique. Le Grand-Duché n’étant en guerre avec personne, les représentans des nations belligérantes résidant à Luxembourg avaient le droit et le devoir de rester à leur poste, et leur protection devait être assurée par les soins du gouvernement auprès duquel ils étaient accrédités. Néanmoins, dès le 4 août, M. Mollard, ministre de

  1. Le major van Dyck, commandant la force armée du Grand-Duché, était aussi aide de camp de S. A. R. la Grande-Duchesse. Son automobile, confondu avec une des voitures de la Cour, donna lieu sans doute à la légende d’après laquelle la Grande-Duchesse elle-même avait barré l’entrée de sa capitale aux troupes envahissantes.