Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

financières de l’Allemagne du Sud ? Leur fortune d’autrefois avait été faite par leurs relations d’outre-monts et d’outre-Rhin, aux temps où la vieille Allemagne vivait des marchés de France et d’Italie. C’est aux nouveaux comptoirs et aux nouvelles banques du Nord que tout le trafic était amené par les relations grandissantes d’outre-mer, du jour où l’Empire tirait d’Angleterre ses moyens, ses modèles et ses modes de vie : l’Allemagne fut toujours un gigantesque tournesol orientant sa face tout entière vers celle des civilisations du dehors dont elle vivait présentement.

Bismarck, tout au long de son ministère, travailla à cette hégémonie économique de la Prusse ; il y tenait autant qu’à l’hégémonie politique et militaire ; il savait par l’histoire d’autrefois quels frais l’Empire a toujours entraînés pour son titulaire : pour garder la dignité impériale, il voulait que le roi de Prusse et son peuple restassent les plus riches de l’Allemagne, afin de tenir l’Empire non seulement de la victoire et des traités, mais aussi des intérêts satisfaits : pliant toute sa politique intérieure à l’unité allemande sous l’hégémonie prussienne, il pliait toute son économique à l’accroissement de la richesse allemande sous le contrôle de Berlin.

Il avait été libre-échangiste avant l’Empire, aux temps où il fallait faire aux petits États les conditions de commerce les plus avantageuses pour les attirer dans l’orbite douanier et financier de la Prusse. Il devint protectionniste du jour où, pour maintenir intacte et dominante la force du Hohenzollern, il fallut protéger l’agriculture. Car, pour conserver au Hohenzollern ses revenus et sa pépinière de serviteurs indispensables, il fallait que la terre continuât de nourrir non seulement le hobereau qui l’exploitait, mais encore ses fils qui travaillaient pour le roi de Prusse et n’en recevaient qu’une solde insuffisante. La ruine ou le marasme de l’agriculture eût amené le découragement des sujets héréditaires, le vide dans les cadres prussiens, la nécessité d’augmenter les soldes pour n’avoir ensuite qu’un recrutement plus démocratique, moins propre à tous les besoins intérieurs de la monarchie. Ce fut pour restaurer les revenus de l’agriculture prussienne, par la nationalisation des moyens de transport et par la refonte des traités commerciaux, que Bismarck prit en 1880 le portefeuille du Commerce.