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elles lui sont pourtant indissolublement liées, en raison des communications qu’ouvre le réseau fluvial du bas Danube ; tout en les rangeant ici en marge du terrain particulier de notre étude, nous devions donc montrer qu’elles en sont une annexe inséparable ; elles sont politiquement partagées, dans l’Europe actuelle, entre les royaumes de Roumanie et de Bulgarie.

Le relief de la péninsule balkanique, très confus, n’est assez bien connu que depuis peu d’années ; il comprend une bande centrale de plateaux anciens, contre lesquels se sont ployées les roches plus jeunes des Alpes adriatiques ; cette structure a été, à diverses époques, remaniée et compliquée par des soulèvemens volcaniques ; les niveaux de plateau, plus calmes que ceux de la bordure occidentale, en furent profondément bouleversés ; des massifs éruptifs ont jailli à travers les granits et contribuent à donner au pays, vu dans son ensemble, l’aspect d’une immense ruche dont les alvéoles communiquent malaisément entre eux. Les murailles qui les séparent sont, le plus souvent, abruptes. Les dépressions relatives sont étirées dans le sens du Nord-Ouest au Sud-Est ; ce sont les rendez-vous assignés par la nature aux cultures et aux habitations ; là se sont donc formées des sociétés, morcelées à l’image du sol lui-même ; l’évolution des hommes a suivi celle des eaux, tendant toujours à descendre vers les plaines basses et la mer, sciant les barrières montagneuses pour souder les unes aux autres les ellipses de lacs étages ; les vallées balkaniques se déroulent tels des chapelets, avec leurs étranglemens entre les grains.

Le chaos est particulièrement inextricable sur le littoral adriatique, Dalmatie, Monténégro, Albanie. Ces Alpes orientales sont un Jura, plus sauvage que le nôtre, talus déboisés, vallées longitudinales où les eaux disparaissent dans des gouffres, cluses transversales aux falaises verdoyantes ; la rivière Naronta est coudée comme le Doubs. Les Monténégrins racontent que leur pays est une sorte de « laissé pour compte » de la Providence : lorsque Dieu, planant dans les nuées, eut façonné notre planète, il s’aperçut que les anges, chargés des matériaux de sa divine architecture, portaient encore quelques restes de leurs fardeaux ; il leur ordonna de les jeter à travers l’espace, et ce tas de débris fut le Monténégro. — La bordure immédiate de la mer est formée de presqu’îles, de golfes ramifiés, de petits