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nouvelles ; les nations commerçantes de l’Occident, et l’Angleterre avant les autres, vont chercher des affaires intéressantes sur ce terrain encore inexploité ; bientôt la nécessité de communications modernes, à travers les populations balkaniques, s’imposera progressivement, comme un corollaire de leur affranchissement. Sur ces régions de transition, les climats divers et les diverses productions se rapprochent : la Roumanie danubienne participe des conditions de la plaine russe, sa terre noire est admirable pour le blé, ses steppes découvertes pour l’élevage, ses pêcheries du Delta pareilles à celles du Don et de la Volga. Plus bas, les vallées bulgares et serbes se parent des rosiers, des arbres à fruits de la Méditerranée ; les ravins du Monténégro, piquetés de lauriers, ont des couleurs algériennes ; mais les poivriers des boulevards d’Athènes grelottent quelquefois sous un coup de vent, tombé du Nord.

Ces contrastes inviteraient certainement à des échanges locaux, si l’insécurité, le manque de communications à grandes distances n’encourageaient les habitans plutôt à la paresse ; pourquoi, dans l’incertitude du lendemain, compliquer la vie par un travail dont on ignorera le prix ? Les Balkaniques menaient donc une existence extensive, au jour le jour, peu soucieux de s’instruire, voire de s’enrichir ; ils se nourrissaient de ce que la terre leur donnait presque spontanément, des galettes de maïs, des bouillies de haricots, de la viande fraîche ou fumée de mouton, de chèvre ou de porc ; ils buvaient de l’eau-de-vie de prunes ; eux-mêmes tissaient la laine, brodaient les vêtemens de leurs guerriers et les toilettes de leurs femmes, sertissaient leurs bijoux et trempaient leurs armes. A peine quelques citadins soupçonnaient-ils ce que peut être un commerce d’exportation ; le premier piano arrivé à Philippopoli, en 1880, fut un objet de curiosité pendant plusieurs semaines., Le renouveau politique exprimé par la retraite progressive des Turcs s’épanouira donc parmi des populations encore voisines d’un état de moyen âge.


Depuis l’insurrection grecque, contemporaine de la Restauration, l’Europe occidentale suit avec intérêt cette évolution politique ; le Sultan est désormais, pour les chancelleries, l’homme, malade dont les héritiers guettent la succession. Successivement, au cours du XIXe siècle, la Grèce, la Serbie, le