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JEUNE FILLE [1]





quatrième partie [2]




XXX


Revenir au logis avec une àme tout endolorie, espérer y trouver le réconfort de l’amour, de l’amitié, de la tendresse maternelle, et ne sentir autour de soi qu’une atmosphère de gaieté aimable, voilà peut-être une des impressions les plus pénibles que j’aie encore jamais ressenties. Toutes mes amies, accourues gentiment, ne parlent déjà presque plus de notre petite Jamine; il semble qu’on ait hâte d’effacer son souvenir, afin de ne plus se croire obligé d’être triste; maman, élégante, rieuse, jeune, embellie, uniquement occupée de modes et chiffons : « Ma fille chérie, le plus pressé c’est de courir chez Pomadour. Es-tu fagotée! tes robes ne sont plus mettables... Mais tu as maigri! Cela te va bien, etc. » Perrette, bondissante de bonheur, chante éperdument les louanges de Gavarrez, qui, à tout instant, de « coupe » en « circuit, » se couvre de gloire ; Ninette et Ninon ne font que rire avec une égale inconscience ; Angelise est rêveuse, mais non de douleur ni de regret; elle est simplement à cent lieues de nous toutes et aussi absorbée parce songe intérieur qu’une chrysalide occupée à tisser entre elle et le monde un cocon assez mystérieux pour qu’y naissent un jour des ailes. Tout me choque et m’émeut. Notre Flipon, seul, sait me serrer dans ses bras paternels et me dire des choses qui,

  1. Copyright by Gérard d’Houville, 1915.
  2. Voyez la Revue des 15 septembre, 1er et 15 octobre.