Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/944

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hélas ! le « bruit » fatal ainsi répandu au milieu de nous par un porte-voix invisible n’allait être, en fait, que trop pleinement « justifié, » puisque nous savons tous aujourd’hui la « grande et terrible défaite » subie par les troupes alliées à Charleroi, les 22 et 23 août 1914 ! — Mais qu’on me laisse encore citer ce court extrait du « journal » de M. Eric F. Wood :


Jeudi, 10 septembre. — Ce matin, je me suis entretenu avec mon compatriote, le poète et romancier Richard Harding Davis. Il vient d’arriver à Paris de Belgique, et s’efforce maintenant d’obtenir des « permis » pour pouvoir suivre les opérations militaires de France. Il m’a dit que jamais, dans aucune des guerres où il a précédemment assisté, il n’a vu rien de pareil aux atrocités, tout à fait impossibles à décrire, qui ont été commises par les armées allemandes en Belgique. Il parle de ces atrocités avec autant de véhémence que le fait le docteur Louis Seaman ; et ce qu’il m’en rapporte me frappe d’autant plus qu’il lui a été donné d’être, lui-même, témoin des abominables détails de la violation par l’Allemagne du territoire belge !


Cet entretien de M. Wood avec M. Davis a eu lieu au retour d’un premier voyage que venait de faire le jeune « attaché » sur les bords de la Marne, afin d’essayer de se renseigner par ses propres yeux, — comme aussi afin de renseigner son chef, M. Herrick, — sur des événemens militaires dont les « communiqués » officiels continuaient à ne parler qu’avec un laconisme inquiétant. A Lagny, à Villeneuve-le-Comte, dans tous les endroits où il était passé, une foule d’indices lui avaient révélé l’imminence, désormais inévitable, d’une grande bataille ; de telle sorte qu’en rentrant à Paris il s’était hâté de communiquer à M. Herrick son impression de la gravité décisive de ce choc, tout prochain, entre les deux armées. Il avait ajouté que « les troupes allemandes formaient un angle droit ayant son sommet près de Meaux, et dont l’un des côtés s’étendait.au Nord en passant par Senlis, tandis que l’autre s’allongeait presque en ligne droite vers l’Est ; qu’entre cette ligne allemande et Paris se trouvaient campées les troupes anglo-françaises ; et que celles-ci, bien résolues à ne pas reculer davantage, s’attendaient à ouvrir l’attaque dès le lendemain. » C’est alors que l’ambassadeur des États-Unis lui avait demandé, comme je l’ai dit, de se rendre aussitôt sur le « front » français, en compagnie du colonel Allen et du capitaine Parker, de manière à pouvoir rédiger ensuite une relation authentique et « directe » des phases principales d’un combat évidemment destiné à prendre place parmi les dates les plus mémorables de l’histoire des peuples.