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quarante-sept ou quarante-huit ans ; ils le sont jusqu’à cinquante ans en Autriche. Au total, dans ces quelques mois, environ 27 millions d’Européens ont déjà été appelés sous les armes. À ce seul chiffre, on s’aperçoit que l’expression de « nation armée » a cessé d’être une figure outrée pour se rapprocher de la réalité stricte.

Mais ce n’est là qu’une partie des forces dont la guerre fait emploi, la partie seulement la plus apparente. Autrefois, l’armée suffisait à presque tous ses besoins avec son personnel militaire : maintenant, d’énormes services publics sont militarisés et travaillent pour elle. D’abord, les chemins de fer : la mobilisation et la concentration initiale de nos troupes ont, à elles seules, nécessité des milliers de trains. Chaque mouvement : avance, recul ou déplacement latéral, met à contribution les voies ferrées. Les transports de l’arrière : vivres, munitions, renforts, blessés, les occupent en permanence, non seulement dans la zone du front, mais jusqu’au cœur du pays. Il y a donc tout un personnel adjoint à l’armée pour ses transports par voie ferrée. Une autre catégorie analogue est constituée par le service sanitaire. Dirigé de haut par les médecins de l’armée, il emploie avec un personnel proprement militaire, un personnel demi-civil, atteignant des effectifs considérables, en particulier dans les hôpitaux auxiliaires. C’est ainsi qu’on y trouve des chirurgiens locaux, non mobilisés, des infirmiers ou aides bénévoles et les dames de la Croix-Rouge. Nous rencontrons un troisième exemple dans la fabrication du matériel de guerre. Celle qui s’exécute dans les arsenaux publics est dévolue à des ouvriers parfois militarisés, dont le nombre s’accroît fortement pendant les hostilités. Mais les arsenaux sont fort insuffisans. On a fait, dans tous les pays belligérans, le plus large appel à l’industrie privée. D’après un article de la Thurgauer Zeitung le nombre des ouvriers de Krupp, à Essen, serait passé, depuis l’ouverture des hostilités, de 42 000 à 60 000. Tout ce qui est atelier mécanique ou usine chimique, tout ce qui peut être transformé en l’un ou l’autre, a été ou réquisitionné, ou sollicité de travailler pour l’armement national. On fabrique partout des fusils, des projectiles, des outils pour creuser les tranchées, du fil de fer barbelé, des automobiles, des aéroplanes, des vêtemens militaires, des conserves pour l’armée, etc.

Il y a, par conséquent, à côté des mobilisés, un immense