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responsabilités, y maintiendrait la clarté nécessaire ; pour protéger les populations, il serait plus efficace de les enrégimenter. Les corps réguliers, pourvus d’un statut militaire, sont les mieux garantis de l’arbitraire ennemi.

L’inscription des non-combattans sur des rôles, leur assujettissement à une discipline plus précise que la simple autorité de police qui les régit actuellement, leur affectation à des travaux à leur portée, mais obligatoires, leur utilisation pour toutes les besognes accessoires dont les combattans pourraient être déchargés, ne présentent pas d’impossibilité. Une mobilisation de ce genre comporterait évidemment une grande majorité de gens mobilisés dans leur maison et dans leur métier. Mais elle mettrait en œuvre énormément de forces aujourd’hui perdues et mal employées. Elle épargnerait au pays un gaspillage de ses puissances d’action qui en annihile la plus grande part. Aujourd’hui que les questions de matériel prennent une influence prépondérante, un système capable de développer dans une proportion considérable la production d’approvisionnemens, de vivres, de munitions, de canons, d’automobiles, d’avions, etc., pourrait suffire à assurer la victoire.

Il semble d’ailleurs que l’effectif même des combattans en devrait être augmenté. Dans cet effort de tout son être accompli par la nation qui ne veut pas périr, les dévouemens passent les bornes anciennes. Bien des postes jadis réservés aux combattans sont sollicités et seraient occupés avec avantage par des faibles, vieillards ou enfans, ou même par les femmes. Alors que celles-ci se sont, en un certain sens, virilisées, les tâches militaires ont, au contraire, souvent évolué vers des formes moins brutales. Tout n’y consiste pas à tuer. Nos soldats emploient beaucoup de temps à creuser et à bâtir. Il y en a qui gardent les voies ; d’autres conduisent des automobiles, accompagnent des convois, recensent et administrent des magasins, tiennent des écritures, préparent des repas. On trouverait des femmes aptes à remplir ces offices et désireuses de s’y consacrer. On en a trouvé. A Londres, des femmes se sont exercées, dans un certain nombre d’établissemens fermés, comme le Crystal palace, sous la direction d’officiers, à diverses besognes militaires. Celaient, dit-on, principalement des suffragettes. Elles ont été embarquées pour le Havre, réparties entre plusieurs compagnies, de 590 femmes