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les paroisses de Paris et des départemens, il n’en était pas moins opposé à des violences qu’il répudiait hautement. Il se croyait assez fort pour refréner la tempête qu’il avait déchaînée lui-même, pour calmer les passions qu’il avait surexcitées, mais une mort brutale l’emporta avant qu’il pût revenir sur ce qu’il avait laissé faire. Quoi qu’on ait dit, il n’était pas de ces froids sectaires qui, en décrétant la suppression de l’ordre du Clergé, croyaient pouvoir amener la chute de l’Église.

Que de fois, dans ses discours, il a soutenu que les opinions religieuses étaient au moins aussi respectables que les autres ! Pour lui, la religion offrait un point de ralliement sûr aux nations, « car si les rois, disait-il, prétendent tenir leur puissance de Dieu, les peuples tiennent de Dieu la liberté. » Dans un discours du 27 novembre 1790, ne l’a-t-on pas entendu s’écrier : « Dieu est aussi nécessaire aux hommes que la liberté. Ah ! loin de nous tout système qui ôterait au vice un frein que les rois ne donnent pas toujours et éteindrait le dernier espoir de la vie malheureuse ! « Et dans un autre discours, le 23 août 1790, à propos de la liberté de conscience, de la liberté du culte, du respect de toutes les croyances, il déclare que le mot de tolérance ne peut le satisfaire. « Si l’autorité tolère, remarque-t-il justement, elle peut aussi ne pas tolérer, tandis que c’est un droit de l’homme que d’exercer sa religion. » Il conclut que « les gens à chapelet » adorent la Providence, et il déclare qu’ils ont raison. « Nous dirons, écrit-il à son ami Mauvillon, qu’elle est toute bienfaisante, et qu’elle nous prescrit de l’imiter. » S’il a dit, un jour, dans son ouvrage sur les Lettres de cachet, que « ce n’est qu’aux despotes qu’il faut faire croire à un jugement à venir, » il se reprend bientôt et il témoigne une croyance sincère à l’immortalité de l’âme, à des récompenses pour l’homme juste et à des punitions pour le méchant dans une autre vie.

Ce sera le thème de son sermon[1]et, chose curieuse, il se rencontrera sur ce sujet avec son père, le marquis de Mirabeau, qui écrivait, cinq ans auparavant, en 1777, au marquis Lango cette belle lettre : « Soyez sûr que tous les liens sociaux et toute société quelconque qui n’est point foire, caravane ou

  1. Il avouera, le 26 novembre 1790, que la théologie n’entra jamais dans le plan de ses études, mais qu’il s’est fait éclairer « par des entretiens avec des ecclésiastiques instruits et d’une raison exacte et saine. »