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idoles des nations, pour lesquelles ceux mêmes qui les avaient faites ont cessé d’avoir aucun égard[1].

Alors, ils repousseront leurs flatteurs qui les outragent, puisqu’ils leur tendent un piège et comptent sur leur faiblesse ; qui les trompent plus que ceux qui les détrôneraient alors. Les oppresseurs, en pensant à ceux qu’ils ont opprimés, diront aux dénonciateurs téméraires, aux témoins absurdes, aux calomniateurs forcenés : « Vous avez accusé, vous avez poursuivi, vous avez perdu vos frères ; regardez-vous et voyez qui vous êtes ! Songez qu’ils étaient vos concitoyens, que leurs filles sont vos femmes, que vos fils devenaient leurs gendres, qu’ils ne faisaient qu’un peuple avec vous !

« Aujourd’hui, nous les avons chassés, parce que vous nous avez trompés et vous vous acharnez encore à leur perte ! Que nous demandaient-ils ? La paix et la justice. Ils ne nous demandaient qu’à subsister sans outrage, qu’à n’être pas traités comme de vils animaux qu’on frappe encore lorsqu’ils succombent sous le fardeau ; et nous les avons rejetés de notre sein, et c’est votre trame, et c’est votre ouvrage ! Dites, comment expierez-vous ce crime dont vous nous avez rendus complices ? Par quelles lois voulez-vous être jugés ? Par les lois de la nature ou par celles de nos institutions ? Choisissez, et partant, tirez votre arrêt ! Lisez la sentence dans vous-mêmes, car c’est en vain que vous vous débattez dans les chaînes de la conscience ; fatigués de vos efforts, vous retomberez toujours sur vos remords !

« Conseillers perfides, nous vous y laisserons en proie ; mais nous fuirons leur atteinte, nous réparerons les maux que nous avons faits, nous rendrons hommage à la vérité outragée… Vœux inutiles ; trop décevante espérance ! Vous n’êtes qu’illusion et mensonge ! Vous nous abandonnez, hélas ! Mais Dieu nous reste. Il nous offre ce royaume dont la vérité est la loi, dont la charité est le Roi, dont l’éternité est la durée[2].

C’est pourquoi, nous mettrons notre espoir dans la mort[3], et nous dirons à tous les événemens que l’injustice humaine

  1. « in idolis nationum non est respectus. (Sapientia, ch. XIV, 2.)
  2. Cujus lex veritas, eujus rex caritus, eujus modus æternitas. (Saint Augustin, epist. ad Marcollinum, III, 17.)
  3. Sperat autem justus in morte sua. (Proverb., ch. XIV, v. 32). Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus. (Psaumes CXXI, v. 1.)