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chez Daniel Tydermann et Hendrick Van der Spïzck, deux artistes secondaires, — il faut bien reconnaître qu’à Amsterdam, il dut logiquement rechercher la société de Rembrandt, son voisin, l’ami de ses Rabbins, le familier du directeur de son école.


Menasse était un cabbaliste militant. Rembrandt fut aussi convaincu d’avoir été séduit par les féeries de cette doctrine et d’avoir consacré bien des florins aux expérimentations décevantes d’Ephraïm Bonus. On a même prétendu que le peintre avait trouvé chez Ephraïm, le médecin juif portugais, — dit le Juif à la rampe dans l’œuvre gravé de Rembrandt, — une Salamandre plus corporelle que celles qui sont promises aux Sages initiés ; et que la fille du docteur, devenue sa maîtresse, lui avait donné un fils, qui mourut peu de temps après. Mais rien ne vient confirmer cette légende, si ce n’est que, le 15 août 1652, un enfant de Rembrandt fut enterré et reconnu par son père. Ce n’était pas Titus, le fils survivant de Saskia, sa femme, et qui ne mourut qu’en 1668, quelques mois seulement avant lui ; ni un premier-né d’Hendrickje Stoffels, car on comprendrait mal que le consistoire si rigoriste de la Oude Kerk n’eût pas traité cette dernière en récidiviste, si elle eût été enceinte, antérieurement. Ce n’était pas non plus un enfant de la nourrice de Titus, qui prétendit, en 1649, qu’elle avait été sa maîtresse, car elle n’eût pas manqué de s’en prévaloir dans le procès qu’elle lui intenta et dont on parlera plus loin.

L’eau-forte merveilleuse le Docteur Faustus indique aussi l’initiation de Rembrandt à la Cabbale. Le titre de cette gravure est certainement inexact ; car il est inadmissible de voir ici le savant Faust, dans ce Juif coiffé du bonnet traditionnel et revêtu du thaleb rituel, ému malgré soi à l’apparition d’une figure fantomatique, derrière les formules flamboyantes du cercle magique. Le monogramme du Christ se lit au centre d’une double couronne de lumière, où les mots « ALGAR + ALGASTNA + AMRTET, » séparés par des signes, entourent les mots « ADAM + TE + DAGIRAM » semblablement ponctués. Rembrandt nous fait assister ici à une incantation cabbalistique, et non pas à l’apparition de Méphisto comme l’ont prétendu Claussin, Bartsch, puis Charles Blanc[1].

  1. Il n’eût pas manqué d’y faire figurer le chien « Prestigiarus » comme un élément pittoresque. Car il mit, bien souvent hors de propos, dans ses œuvres, des caniches ou des barbets, pur amour des chiens qu’il se plaisait à caresser.