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mauvaise foi se sont multipliés dans ces dernières années sous la plume des apôtres du pangermanisme, pour surexciter le patriotisme allemand contre la grande injustice internationale dont l’Allemagne aurait été la victime dans le partage du monde. N’était-il pas incontestable que la Kultur et la natalité germaniques n’avaient arraché au consentement des diplomates que des champs d’action déplorablement inférieurs, comme surface et richesse, aux immenses pays dévolus à la civilisation anglaise, à l’espagnole, à la française ou à la russe ?

Il ne fallut pas moins d’un quart de siècle pour faire pénétrer cette idée dans les masses, mais, grâce à l’esprit de méthode, à la ténacité et, il faut bien le dire, au patriotisme aussi dévoué qu’agressif des organisations pangermaniques, cette conviction s’est enracinée peu à peu très profondément dans le cœur des Allemands, même les plus éloignés des choses coloniales : très sincèrement, la plupart d’entre eux ont cru et croient encore à la réalité de cette injustice et à la nécessité vitale pour leur pays de rompre par le fer et par le feu le cercle magique, où des rivalités déloyales s’efforçaient d’étouffer la libre expansion de leur nationalité.

Même après plus d’un an de guerre, alors que des torrens de sang allemand ont coulé, sans même assurera l’Empire la sécurité de ses lendemains en Europe, l’opinion publique allemande demeure en grande partie attachée à quelques-uns de ses beaux rêves d’hier ; bien plus, par-là même qu’elle sent lui échapper l’hégémonie européenne à laquelle elle aspirait de toutes ses forces, elle semble se raccrocher désespérément à l’idée que ses premières victoires et les gages qu’elles lui ont permis jusqu’ici de conserver encore entre ses mains, lui permettront de réaliser les articles essentiels de son programme d’expansion outre-mer et de trouver du moins, dans des colonies nouvelles, la place qu’elle croit devoir lui revenir dans l’équilibre du monde de demain.

Il ne parait donc pas inutile de rappeler ici à grands traits quelles furent les idées maîtresses de ce programme pangermanique d’expansion de la puissance allemande outre-mer et de les comparer avec celles qu’émettent encore à l’heure présente des esprits distingués et pondérés de l’Allemagne. Les milieux éclairés des deux mondes ne sauraient trop méditer ces projets du pangermanisme, que nous avons trop souvent considérés