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du Sud, étaient largement pourvues de colons germaniques plus consommateurs que producteurs.

Ce double phénomène, joint à la richesse croissante qui s’accumulait maintenant d’année en année entre les mains des financiers allemands, créait pour l’Empire des conditions toutes nouvelles, qui pouvaient mettre d’accord cette fois les revendications des pangermanistes avec les intérêts du monde des affaires. Pour les premiers, il y avait une question de prestige à ne pas laisser se développer sous un pavillon étranger des sociétés qui pourraient, un jour venant, devenir de nouvelles concurrentes pour l’Allemagne. L’exemple des États-Unis, « tombeau de germanisme, » était trop concluant pour que les patriotes allemands ne s’effrayassent pas à l’idée de voir se reproduire ailleurs, même en plus petit, des éventualités semblables.

Quant au monde des affaires, il percevait fort bien les exigences financières que pourrait avoir un vaste empire colonial à exploiter ; mais ses conceptions s’étaient à ce point élargies qu’il était de plus en plus favorable à l’idée d’un vaste programme de mise en valeur de l’Afrique centrale tout entière, par exemple, avec toutes les créations de ports, chemins de fer, villes, etc., que comportait un pareil projet. Ces grands travaux publics n’étaient-ils pas de ceux qui assureraient directement à l’industrie allemande les plus importantes fournitures, notamment au point de vue de la métallurgie et de l’équipement électrique ?

Et, d’autre part, les besoins croissans de cette même industrie en matières premières ne lui faisaient-ils pas un devoir de s’assurer dans le monde entier l’exclusivité de pays producteurs dont le trafic rémunérerait à son tour les voies et moyens de communication créés à grands frais dans ce dessein ? Si donc les conceptions un peu simplistes des pangermanistes en étaient restées à des ambitions régaliennes, c’est-à-dire au désir traditionnel de réunir à l’Empire allemand le plus possible de territoires, peuplés ou à peupler par des sujets de langue allemande, celles du monde des affaires tendaient plutôt à la constitution d’un vaste ensemble de colonies d’exploitation, où le pavillon allemand ne devait flotter que parce que la marchandise suit de préférence son pavillon.

Toutes ces conceptions pouvaient d’ailleurs facilement