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s’organiser en une politique adroite et méthodique, qui aurait peu à peu étendu ses « sphères d’influence » sur divers domaines, en usant tour à tour de sa puissance capitaliste et de l’intimidation politique. Il ne pouvait être question d’acquérir d’un seul coup à l’Allemagne moderne des pays déjà colonisés par d’autres nations européennes ou jouissant d’une indépendance universellement respectée. Mais de ce que la France et l’Angleterre avaient su prendre l’avance et s’assurer en Afrique les pays les plus propres à la vie européenne ; de ce que l’ancien empire colonial de l’Espagne s’était dès longtemps fractionné en États indépendans, il ne s’ensuivait pas que l’Allemagne dût à jamais renoncer à jouer pour son compte de ces fictions diplomatiques qui, sous les formules aimables de « nation la plus favorisée, » d’ « intérêts spéciaux, » voire d’alliance ou de protectorat concilient la notion idéale d’indépendance avec les avantages les plus tangibles d’une véritable colonisation. Parmi les nations autonomes, il en était beaucoup de si faibles financièrement et militairement, parmi les pays colonisateurs, il en était pour qui ces colonies apparaissaient tellement comme des charges excessives, que l’Allemagne pouvait espérer trouver sur la surface du globe bien de bonnes occasions à réaliser. Les Carolines avaient été la première ; quelques années plus tard, les troubles dits des Boxers, en Chine, allaient permettre à l’Empire de « prendre à bail, » autour de Kiao-Tchéou, un territoire riche et peuplé qui lui assurait une solide base économique et maritime en Extrême-Orient ; mais ce n’étaient là, dans la pensées des pangermanistes, que des manœuvres d’essai dans l’attente de réalisations plus grandioses.

Germanus animal scribax, disent volontiers les Allemands eux-mêmes, et, de fait, il n’est guère d’arrière-pensée, de plan secret de la politique allemande dont on ne puisse trouver l’exposé dans l’une quelconque des innombrables manifestations, livres sérieux ou écrits de circonstance, qui s’accumulent outre-Rhin, en paix comme en guerre, sur toutes les questions à l’ordre du jour. Les promoteurs de la « plus grande Allemagne » n’ont donc pas manqué de nous exposer sous toutes leurs faces, depuis quinze ans, les possibilités pour l’Empire de réparer le temps perdu et de se tailler dans le monde « sa place au soleil. »

Sans entrer dans le détail de ces publications, bornons-nous à