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constater qu’elles reflétaient dans l’ensemble les deux impérialismes germaniques : le politique, avide de territoires allemands, et l’économique, recherchant surtout les domaines d’exploitation.

Au premier, les colons allemands établis en si grand nombre dans l’Amérique du Sud semblaient devoir créer des droits, ou tout au moins des possibilités d’intervention sur ce continent ; puis, le développement des intérêts allemands en Turquie parut de nature à faire présager une mainmise plus facile et plus immédiatement utile sur les parties jadis riches et aujourd’hui presque abandonnées de ce vieil Empire.

Au second, les colonies hollandaises de l’Insulinde et le Congo, devenu colonie belge, paraissaient « disproportionnés aux ressources de ces deux petits pays. » (Pays-Bas et Belgique), qui seraient sans doute heureux de s’en débarrasser au profit de l’Allemagne. Il faut avouer que l’exemple du raid Jameson et de la guerre anglo-boer qui s’ensuivit avait produit une forte impression sur l’esprit brutalement réaliste de certains milieux prussiens, trop disposés à préconiser de pareilles méthodes, tout en étant parfaitement incapables de jamais les faire oublier, comme l’ont fait les Anglais, par le large libéralisme de leur gouvernement. La situation, trop souvent anarchique alors, de certaines républiques sud-américaines, semblait devoir fournir de nombreuses occasions d’y intervenir au nom d’intérêts allemands menacés et, de 1900 à 1905 notamment, la plupart des auteurs pangermanistes ne manquèrent pas d’insister énergiquement pour une politique de ce genre.

La guerre russo-japonaise vint modifier quelque peu, semble-t-il, ces conceptions, tant en bouleversant l’équilibre du monde, qu’en mettant une fois de plus en lumière les difficultés militaires formidables que comportait, même pour la meilleure armée, une campagne à des milliers de kilomètres de ses bases. L’Espagne n’avait jamais pu dompter ses colonies révoltées ; la guerre du Mexique avait été fatale à la France ; et l’Angleterre même, qui n’avait pu recouvrer jadis ses colonies d’Amérique, n’avait réussi à vaincre le petit Transwaal qu’en y appliquant toutes les forces de la plus puissante marine du monde. Aussi bien pouvait-on trouver sans doute des occasions moins lointaines et plus sûres, maintenant que l’affaiblissement de la Russie et un certain relâchement dans l’esprit et les