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franchement notre cause, se voient obligés néanmoins d’observer avec nous une certaine réserve, ne fût-ce que pour écarter le soupçon de complicité avec nos sectaires de France. Malgré cela, ce reproche n’est déjà que trop exploité par leurs adversaires.

Tous ces malentendus d’ordre religieux, littéraire ou sentimental sont encore peu de chose, en regard des griefs patriotiques, que l’on entretient contre nous, aussi bien dans le camp libéral que dans le camp conservateur. Notons d’abord ceci : c’est que les libéraux espagnols, pour se faire pardonner leur libéralisme religieux, sont tenus de se montrer plus patriotes que les plus ardens nationalistes. Pareille chose est arrivée pour les Jeunes-Turcs, comme il était facile de le prévoir dès 1908. Pour ce qui est de nos voisins, s’il était nécessaire d’en apporter la preuve, il suffirait de rappeler que, dernièrement, les républicains et les libéraux ont été les seuls à protester, lorsque des bateaux espagnols furent coulés par des sous-marins allemands. Toute la presse germanophile garda, à ce sujet, un silence scandaleux, qui fut même relevé assez vivement par le premier ministre, M. Dato. Mais allons jusqu’au fond de leur pensée. S’ils sont moins tapageurs que M. Vazquez de Mella, s’ils se montrent moins agressifs dans l’exposé de leurs revendications, ils n’en acceptent pas moins tout ou presque tout le programme carliste de politique extérieure.

Sur Gibraltar, ils s’expriment avec prudence devant l’étranger : ils préfèrent ne pas aborder de front ce sujet délicat. Tandis que, pour leurs adversaires, rien ne semble plus facile, ils ne s’illusionnent point sur les difficultés de l’entreprise. Mais tous sont d’accord pour demander Tanger, avec l’arrière-pensée de neutraliser Gibraltar. En tout cas, ils réclament un nouveau règlement des affaires marocaines, bien entendu dans un sens plus favorable à l’Espagne. Pas plus que dans les autres partis, ils n’ont d’idées bien nettes sur la fédération avec le Portugal. Mais beaucoup d’écrivains libéraux défendent cette thèse dans la presse. Comment cela se réalisera-t-il ? Ils pensent que, pour l’instant, la chose importe peu. L’essentiel est d’affirmer que cela doit être. Sans doute, il convient de ne pas s’exagérer la fermeté de ces revendications. En Espagne, encore plus qu’en France, le grand point, pour un projet politique, est d’occuper les imaginations et de faire