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moyenne[1]. Une armée considérable ne se pourrait donc lever que par un système d’obligation militaire. Ainsi concluait la National Service League et, dès 1912, le colonel Repington écrivait dans le Times : « Sous une forme ou sous une autre, il nous faut une armée nationale derrière les Réguliers. » Mais la question de « forme » est si importante lorsqu’il s’agit de toucher aux institutions anglaises, qu’en parlant de service obligatoire, on n’entendait qu’une simple obligation d’instruction. Lord Roberts lui-même ne demandait pas davantage : il préconisait pour tout citoyen anglais l’obligation d’accomplir une période de quatre à six mois suivant les armes, et autant que possible dans des camps. Nous avons expliqué pourquoi l’Anglais éprouve une répugnance invincible à la vie de caserne : mais il accepterait l’existence du camping, même agrémenté des fatigues militaires. En somme, il s’agissait d’un compulsory training, le mot conscription et même le mot service, qui effarouchent si fort les oreilles anglaises, étaient soigneusement bannis du système.

D’autres esprits, cependant, ne craignaient pas d’aller plus loin, entre autres le général sir John French, alors chef d’état-major général de l’armée anglaise, et récemment encore commandant en chef sur le front des Flandres, qui se déclarait ennemi des demi-mesures et partisan déterminé du système militaire continental.

Entre ces deux thèses rivales, le gouvernement libéral, d’accord avec la grande majorité de l’opinion, s’était tenu à la vieille école. Aussi, le 12 juillet 1909, malgré les efforts de lord Roberts, la Chambre des Lords repoussait le compulsory training par 123 voix contre 103, écart minime qui fut pour beaucoup une surprise. L’année d’après, le colonel Seeley, ministre de la Guerre, déclarait a la Chambre des Communes : « Je puis assurer qu’aucune loi de ce genre ne sera proposée ou appuyée par le gouvernement actuel, à moins qu’on ne soit obligé de dire à la nation qu’un grand danger la menace, encore ignoré d’elle, et que, seule, l’adoption du service militaire obligatoire peut la sauver. »

  1. En réalité, 70 000 volontaires se présentaient chaque année dans les bureaux de recrutement anglais, mais près de la moitié étaient éliminés pour inaptitude physique : ce déchet s’explique, d’une part, par les exigences du service médical ; de l’autre, par ce fait que la majorité de ces hommes provenaient des classes sociales les plus miséreuses.