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billeting. C’est que, les casernes n’existant pas en Angleterre, il a fallu loger les nouvelles armées de Kitchener en billets chez l’habitant. Celui-ci perçoit en échange des indemnités élevées : 30 centimes par homme et par nuit pour l’espace nu d’un local, 60 centimes si le matelas est fourni, et 90 centimes avec la part au feu et aux ustensiles de cuisine, 3 shillings pour une chambre d’officier. Remarquons que ces mêmes tarifs sont appliqués par l’administration au logement des troupes anglaises en France : ce qui explique, toute considération de sentiment mise à part, l’empressement avec lequel nos populations accueillent officiers et soldats de S. M. britannique.

Comme de plus le Tommy logé chez l’habitant abandonne journellement à ses hôtes le trop-plein de ses rations, la famille voit en même temps ses dépenses réduites et ses ressources augmentées : d’où bénéfice qui permet aux classes pauvres les frais d’un luxe inconnu. Ainsi a-t-on vu s’introduire dans les soldier villages l’usage des rideaux blancs aux fenêtres, l’achat d’orgues, de pianos, de gramophones, etc., et dans tous les marchés ruraux le commerce d’orfèvrerie commune réaliser des chiffres d’affaires inespérés.

Un tel état de choses, une prospérité si inattendue, justifie ces paroles recueillies par lady Seely lors de son enquête auprès des femmes de soldats de la classe ouvrière : « Une livre par semaine, et pas de mari à garder, c’est le Paradis ! »

Ces considérations, haute paye et nourriture excellente pour le soldat, larges allocations pour sa famille, expliquent comment les classes pauvres ont fourni aux armées de Kitchener un contingent considérable. Au 1er octobre 1915, le chiffre officiel déclaré par M. Tenant des separation allowances atteignait 857 000. On conçoit les dépenses journalières formidables qui en résultent pour les finances anglaises. Mais comme l’Anglais est plus positif que sentimental, il ne fallait pas moins que la perspective d’avantages très réels pour l’inciter à l’enrôlement.

Cependant il ne reste pas insensible aux considérations élevées, quand celles-ci font appel à son loyalisme. Aussi le récent message du Roi à son peuple a-t-il donné le signal d’un réveil des enthousiasmes. Le 23 octobre dernier, s’adressant solennellement à la nation anglaise, George d’Angleterre, I. R., écrivait :

«… Je me sens lier de mes sujets qui de tous les points du