Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

international, aurait l’obligation de les désarmer et de les interner. Mais s’ils ne se laissaient pas faire ? Et qu’adviendrait-il si, passant la frontière à leur tour, Austro-Allemands et Bulgares poursuivaient sur le territoire hellénique leurs adversaires en retraite ? — Évidemment, disait la diplomatie de l’Entente, la neutralité serait violée deux fois pour une, et, selon les prescriptions du droit international, la Grèce aurait le devoir ou de les repousser, ou, du moins, de laisser le champ libre, pour les repousser, à ceux qui, à son défaut, voulaient le faire et qui n’étaient là que parce qu’elle les avait elle-même appelés. Mais si le redoutable, le formidable, le terrible Kaiser tonnait ? — Reculez-vous, conseillaient la France et l’Angleterre ; disposez vos troupes sur un autre front, nous nous chargeons de défendre Salonique, où nous tiendrons pour vous ; mais nous préférons ne sentir personne dans notre dos. — Ne bougez pas, ordonnait la voix de Berlin ; la maison est à vous : c’est aux autres d’en soi tir, qui y parlent en maîtres.

Cependant, plusieurs semaines s’écoulaient, et, soit que les Empires du Centre aient eu besoin de leurs contingens pour répondre à l’offensive russe en Bukovine, soit (ce qu’il n’est point interdit de soupçonner) qu’ils n’aient jamais eu sur ce théâtre accessoire de la grande guerre autant de monde qu’ils se sont plu à le faire dire, soit que les Bulgares, ayant conquis ou cru conquérir la Vieille-Serbie et la Macédoine, se trouvent dès maintenant fatigués et rassasiés, soit enfin qu’ayant laissé récemment dans ces régions, eux et les Turcs, des souvenirs qui saignent et qui crient encore, ils hésitent à y rentrer, de peur que les fusils grecs ne partent tout seuls, quel que soit le motif ou quels que soient les motifs de cet arrêt, les armées d’invasion sont immobilisées, elles n’envahissent pas. Et cependant, le camp retranché de Salonique s’est organisé ; il s’est étendu, aéré, outillé. A l’intérieur, il s’est purgé de quelques-uns des élémens douteux qui, de tout temps, grouillaient dans cette cité à la fois maritime et orientale, et qui, par une génération qu’il serait ingénu de croire spontanée, avaient pullulé dans ce bazar devenu ville de guerre.

Un gros incident s’est produit, qui n’a pas endormi le tourment de M. Skouloudis. Quelques aéroplanes ennemis étant venus jeter des bombes sur Salonique, comme ils ont paru avoir trop bien choisi l’endroit pour n’avoir pas été guidés par des signaux faits de la place (la principale victime a failli être un prince de la famille royale de Grèce), le général Sarrail a pris une mesure énergique : il a frappé à la tête, et fait arrêter tout d’abord les quatre consuls d’Allemagne,