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Syrie, certains consuls allemands auraient encouragé el dirigé les massacres ; on cite notamment M. Rossler, consul à Alep, dont nous avons relaté le rôle dans le massacre des gens de Zeïtoun. Plusieurs lettres écrites par des étrangers au journal arménien Gotchnag, de New-York, rapportent que les fonctionnaires allemands stimulèrent le zèle de certains Turcs trop tièdes. A Orfa, on aurait vu le consul allemand dirigeant les massacres. Des témoins affirment avoir vu des officiers allemands commander les fusillades. En tout cas, ce qui est certain, c’est que tous les agens allemands fermèrent les yeux par ordre ; on ne trouve nulle part, dans ce déluge de crimes sans nom, la trace de leur horreur ou de leur pitié. Quand on sait ce que peut, en Turquie, l’autorité d’un consul européen, on est obligé de juger sévèrement leur attitude et plus sévèrement encore celle de leur gouvernement[1]

Quand, au mois de juillet, le gouvernement des États-Unis demanda au gouvernement de Berlin d’unir ses efforts aux siens pour mettre fin aux massacres, aucune réponse ne fut faite à cette invitation[2]. Quand l’ambassadeur des États-Unis à Constantinople, M. Morgenthau, s’adressa à son collègue allemand, le baron de Wangenheim lui déclara qu’il déplorait ce qui se passait, mais qu’il ne pouvait en aucune façon s’immiscer dans les affaires intérieures de la Turquie. A Washington, le comte Bernstorff commença par nier la réalité des massacres : « Ces prétendues atrocités semblent n’être que de pures inventions, » écrivait-il. Et il laissait entendre que c’étaient les Russes qui obligeaient le Catholicos d’Etchmiatzin à propager de telles fables. Le 6 juin, l’agence Wolff transmettait une déclaration officielle turque. « Il est tout à fait faux qu’il y ait eu des assassinats ou des massacres d’Arméniens. Les Arméniens d’Erzeroum, Erzingan, Egin, Sassoun, Bitlis, Mouch et de Cilicie n’ont, en effet, commis aucun acte pour troubler l’ordre et la tranquillité publique, ou qui ait pu nécessiter des

  1. Le gouvernement austro-hongrois applique les procédés turcs dans les provinces serbes de l’empire. En Bosnie-Herzégovine, de nombreuses familles serbes sont chassées, leurs biens meubles et immeubles donnés à des colons allemands et hongrois. Les listes d’expropriation officiellement publiées dans les journaux locaux atteignent un total de 80 000 familles serbes pour les provinces de Bosnie, Herzégovine, Croatie, Slavonie, Syrmie, banat de Témesvar. (Dépêche de l’Agence des Balkans, 6 janvier.).
  2. New York Herald, 6 octobre.