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l’ensemble des rayons de bois, et notre hôte japonais, le petit, mais indispensable talon[1]. »

La période de Heian ou Kyoto (de 800 à 900) et celle des Fujiwara (900 à 1200) qui correspondent, l’une à l’époque du nationalisme hindou (règne de Sankaracharya) et à la fin de la dynastie chinoise des Tang, l’autre à la dynastie chinoise des Song, ont pour caractère, l’une le début, l’autre le développement de ce qu’il est permis d’appeler le nationalisme japonais. Le grand homme, l’influence dominante de la première période est le moine Kukai (Kobo-daishi) qui, formé à l’école du bouddhisme indien et chinois, rentre au Japon comme un créateur, un initiateur en religion et en art (calligraphie, peinture, sculpture). Dans la seconde période, marquée par la puissance de la famille des Fujiwara, le Japon, tout en restant très imprégné de la pensée hindoue, emprunte moins à la Chine, tire plus de son propre fonds, exprime plus librement son idéal. C’est l’époque où, tandis que la féodalité dresse l’une contre l’autre les maisons rivales des grands daïmios, des Taira et des Minamoto, la cour impériale de Kyoto s’adonne de plus en plus aux raffinemens littéraires et religieux, à l’influence des grandes romancières, Murasa-Ki Shikibu, Seishonagon, Akazome, de la fameuse poétesse Komachi, aux tendances efféminées et mystiques de la secte bouddhiste de Jodo, la première secte vraiment nationale fondée au Japon.

La période de Kamakura (1200 à 1400), qui est celle du premier shogunat militaire établi dans cette ville par la famille des Minamoto, se distingue de la précédente par une sorte de rudesse militaire et féodale qu’ennoblissent le souffle épique, l’attachement aux chefs, l’esprit de chevalerie, le respect de la femme, le culte du sacrifice et du courage. C’est pour le Japon l’âge romantique, celui des légendes féodales, des héros admirables, tels que Yoshitsune, celui où la classe des guerriers (samurai) adopte pour idéal la secte bouddhiste de Zen, qui est la grande école de la volonté et de l’énergie ; celui aussi où l’art plus vigoureux, plus robuste, se caractérise, en sculpture, par les statues de Bouddhas, de Devas, de moines et de prêtres.

  1. La grande influence de la présence de ces Indiens peut être, selon Okakura, appréciée d’après ce fait qu’ils ont donné une valeur phonétique aux caractères idéographiques chinois, mouvement qui eut, au VIIIe siècle, pour résultat la création de l’alphabet japonais.