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celui qu’elle eut en Europe. Tandis que l’Europe résista et forma devant les murs de Jérusalem et sur les bords du Danube une ligue que la Rome pontificale elle-même n’avait pas suffi à consommer, la civilisation asiatique succomba. « Nous n’avons pas seulement permis aux Mongols de détruire l’unité de l’Asie, nous les avons laissés frapper à mort la culture de l’Inde et de la Chine. » Ni la Chine, ni l’Inde, malgré les tentatives des Ming contre les Mongols, des Mahrattes et des Sikhs contre les musulmans, ne réussirent à s’affranchir. Le Japon, seul, grâce à sa situation insulaire, à la valeur de ses guerriers, put repousser l’invasion étrangère ; mais, dans son désir d’échapper aux périls du dehors, puis par la politique ultérieure des Shoguns, il se voua à l’isolement, il se sépara du monde. « Privés de tout stimulant du dehors, emprisonnés dans notre royaume insulaire, nous tâtonnâmes parmi le labyrinthe de la tradition. Plus sombre qu’elle n’avait jamais été, s’étendit sur nous la nuit de l’Asie. »

Il est vrai qu’alors le Japon avait tiré de l’Inde et de la Chine tout ce qui était essentiel et nécessaire à sa propre culture, et que déjà avait commencé l’œuvre de sa nationalisation, de son originalité historique et morale. Il est vrai aussi que, par le cruel destin qui frappa la Chine et l’Inde, le Japon se trouva être le dépositaire et l’héritier de la civilisation asiatique. Il est vrai enfin que c’est alors, dans la solitude de son île et dans son travail sur lui-même, à l’aide des élémens qu’il devait à la culture chinoise et indienne, qu’Use prépara à ce qui allait être sa vocation, sa destinée, sa mission parmi les nations.


II

Si l’unité de l’Asie a été atteinte ou brisée par l’invasion mongole, — elle s’est maintenue et reconstituée par le Japon.

Et d’abord le Japon, parce qu’il était soustrait aux dangers de la guerre étrangère et de l’invasion, est devenu comme le conservatoire, le refuge des trésors de la pensée, de la foi, de l’art de l’Asie. « C’est au Japon seulement que les richesses historiques de la culture de l’Asie peuvent être étudiées grâce aux spécimens qui y sont conservés. Le Trésor impérial, les temples shintoïstes, les dolmens révèlent les courbes subtiles de