Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’affinités. Si les portraits de la période des Ashikaga évoquent en nous les portraits de l’école de Clouet, les peintures et estampes de l’Ukioye nous rappellent certains de nos peintres et graveurs duxvin6 siècle.

Okakura compare ces deux siècles et demi de la période des Tokugawa à la « chrysalide » dans laquelle le Japon a été comme emprisonné et endormi avant l’affranchissement et le réveil de 1868. Depuis l’expulsion des Jésuites par Hideyoshi et Iemitsu et depuis l’expédition de Corée (1598-1624), le Japon a été fermé au point que la construction même de bateaux permettant d’en sortir a été interdite, et qu’un des points de la rade de Nagasaki a été le seul passage où, dans des conditions très limitées et très strictes, les bâtimens hollandais, seuls, et par un privilège exclusif, fussent admis. A l’intérieur, le régime des Tokugawa, tel qu’il a été ci-dessus décrit et défini, ne permettait ni infraction, ni écart. C’était bien, comme Iyeyasu l’avait voulu, le sommeil à peu près léthargique. Okakura, analysant à cet égard le caractère qu’ont eu, pendant cette période, les deux grands foyers de la pensée asiatique et japonaise, le bouddhisme et le confucianisme, fait remarquer que tous deux, tels qu’ils étaient contenus et réduits, n’ont pu que servir le dessein de Iyeyasu et son régime. Le bouddhisme est la grande école du renoncement, le confucianisme est la grande école de la soumission et du respect. Les idéaux de l’Orient, résumés en eux, n’ont pu que protéger le grand sommeil des Tokugawa. Mais en eux, dans la chrysalide, subsistait, comme en un conservatoire, la pensée d’Asie qui, le moment venu, et par le Japon, s’affranchirait, s’éveillerait.

Comment s’est préparé, produit, manifesté ce réveil, c’est ce que Okakura expose et explique, en traits vraiment lumineux, dans le petit livre de deux cents pages qui a précisément pour titre : Le Réveil du Japon.


IV

La révolution de 1853 à 1868 a été souvent représentée comme due surtout aux influences du dehors et notamment à l’arrivée dans les eaux japonaises de l’escadre américaine commandée par le commodore Perry. « Il semble, écrit Okakura, que l’impression générale parmi les étrangers était que c’est