Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas, à condition de restituer le pouvoir suprême à l’Empereur. En fait, et le shogunat ayant peu à peu, par ses fautes, perdu la partie, ce furent, après une tentative des daïmios hostiles au shogun et ralliés à l’Empereur pour constituer une sorte d’Empire aristocratique et fédéraliste, puis après un autre essai des kuge de Kyoto et des ultras de l’impérialisme pour restaurer l’ancienne bureaucratie impériale antérieure aux shogunats, ce furent les unionistes, c’est-à-dire les modérés, qui, soutenus par les trois clans de Satsuma, Tosa et Choshiu, établirent un Empire dans lequel l’ancienne bureaucratie impériale se tempérait d’institutions démocratiques et constitutionnelles. Durant toute la crise, l’apparition de l’Occident et les emprunts faits à l’Occident n’avaient été que l’occasion ou l’accessoire. C’était bien une révolution nationale qui suivait son cours et qui, comme ses premiers initiateurs l’avaient désiré, comme les unionistes l’avaient prévu, aboutissait à la restauration impériale.

Non pas que l’Occident n’eût sa part dans les événemens dont la restauration impériale fut le dénouement, en ce sens d’abord que c’est la conclusion par le shogun du traité proposé par les Etats-Unis qui rallia contre le shogunat tous les défenseurs de l’idée impériale, et aussi parce que le shogun chercha auprès de l’étranger l’assistance militaire et navale que lui fournirent les armes achetées aux Hollandais, les instructeurs demandés à la France et à la Grande-Bretagne, les bâtimens à vapeur acquis au dehors. Les sciences européennes, notamment la médecine, avaient commencé à pénétrer par Nagasaki. L’un des chefs de ce parti unioniste qui devait, à la longue, l’emporter et faire triompher l’Empire tout ensemble démocratique et bureaucratique, Sakuma Shozan, fut le premier Japonais à conseiller aux autorités de son pays l’emploi d’instructeurs européens dans toutes les branches du savoir. Il fut aussi le premier Japonais à adopter le costume européen. Il est vrai qu’il paya cher ses tendances favorables à l’Occident : il fut assassiné à Kyoto, en 1866, par les ronin du parti impérial.

Ces premières tendances vers l’Ouest, cependant, ces premiers emprunts faits à l’Occident n’étaient que pour mieux aider et défendre la cause nationale. « Accoutumés, écrit Okakura, à accueillir les choses nouvelles sans sacrifier les anciennes, notre adoption des méthodes occidentales n’a pas