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Tel est bien le caractère de la nouvelle ère : un mélange de restauration et de révolution, de retour au plus ancien Japon et d’emprunt à l’Occident moderne, avec ce trait dominant que le tout demeure profondément marqué de l’empreinte nationale. Les origines, la première période de la Restauration ont, jusque dans le retour au plus ancien passé, une allure révolutionnaire, puisque la remise en vigueur des anciennes institutions, antérieures à la féodalité, implique l’abolition des clans, des fiefs de daïmios, de toute l’organisation des samurai. Il se produit, d’ailleurs, à ce début de la nouvelle ère, une fièvre de sacrifice et de renoncement, un élan comparable à celui de la nuit française du 4 août qui pousse les daïmios à faire bon marché de leurs fiefs, les samurai à abdiquer leurs privilèges, le shogun à immoler son pouvoir. Les emprunts à l’Occident, d’autre part, si rapides, si nombreux, si tumultueux qu’ils soient, sont faits, dans les premières années surtout, par les plus chauds et enthousiastes artisans de la Restauration, par les descendans des anciens kuge ou par les jeunes impérialistes les plus ardens à assurer la puissance de l’Empereur et de l’Empire. Les révolutionnaires de la première heure, Iwakura, Okubo, ne tardèrent pas, du reste, a marquer eux-mêmes la limite que la révolution et les emprunts à l’Occident ne doivent pas franchir et à invoquer hautement, comme le devoir le plus essentiel, le respect et le maintien de l’esprit national.

La première période de la Restauration offre un contraste frappant de mesures radicales et révolutionnaires, telles que l’abolition des clans, la loi agraire, la suppression des pensions, prises par un gouvernement réorganisé selon le modèle et le type des temps préféodaux, et où dominaient les princes, les kuge, les anciens daïmios. Plus tard, lorsque fut annoncé et préparé le régime constitutionnel, et lorsque, à la fin de 1885, commença à fonctionner le système des ministères à la façon occidentale, ce fut cette seconde génération, cette seconde période de la Restauration qui, avec une constitution et des formes empruntées à l’Occident, se montra le plus jalouse de ne pas laisser altérer et atteindre le caractère national de la politique japonaise. La constitution, annoncée par le Mikado dès 1881 et appliquée en 1889, bien que les élémens, après une longue enquête, en aient été empruntes en partie à l’Occident,