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pour y poursuivre leurs études. L’Université de Tokyo était le centre recherché des étudians chinois, indiens, siamois. L’enseignement y comprenait, outre le droit et la médecine, les sciences et les arts, la philosophie indienne et chinoise, l’étude des littératures et des langues. Le sanscrit et le chinois y formaient la base des « humanités » asiatiques, comme le grec et le latin sont chez nous la base de nos « humanités. » La jeunesse chinoise était la plus nombreuse. Ce sont les étudians sortis de l’Université et des écoles de Tokyo qui ont été, d’abord les agens de la Révolution chinoise, puis les fonctionnaires et ministres de la nouvelle République. La jeunesse indienne avait de même afflué à Tokyo et y avait fondé un journal d’émancipation et de propagande. Le Japon exerçait son rôle de primauté, son rayonnement d’influence. C’est bien en lui que l’Asie se résumait, se reflétait, prenait conscience d’elle-même. Sa mission, celle que dans l’histoire, dans la civilisation, dans l’art, Okakura considère comme la sienne, était pleinement accomplie.


VI

Il en est une autre qu’Okakura, a cette date de 1905, et dans le dessein purement asiatique qui l’inspirait, ne pouvait encore voir, ni pressentir, ni sans doute souhaiter, mais qui, à partir de l’année 1907, est peu à peu apparue, que d’illustres Japonais ont conçue, encouragée, inaugurée, qui était en harmonie avec l’esprit du nouveau Japon, et dont l’accomplissement sera un titre d’honneur, de gloire, pour la race de Yamato et la grande Puissance de l’Asie.

Cette autre mission est, pour le Japon, après avoir résumé et concentré en lui, comme il l’a fait, les efforts, les œuvres, la pensée, la foi, la culture de l’Asie, après s’être assimilé d’autre part, de l’Occident, ce qui était nécessaire à ses besoins, aspirations et progrès, d’être l’intermédiaire, le lien entre l’Occident et l’Orient. Il y a eu, il y aura encore des préjugés, des résistances, des obstacles à vaincre. Certains nationalistes, au Japon même, ont pu considérer comme une infidélité à l’Asie cette inclination ou inclinaison vers l’Occident. Certaines régions d’Occident, d’autre part, ont pu ne pas se montrer très disposées à l’exécution de ce programme de rapprochement. Mais le grand homme d’Etat du Japon, celui qui, après avoir, dans sa