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grande pêche. Mais il se trouve que, par une coïncidence singulière, les navires qui effectuent ces voyages, ayant été en partie désarmés, il reste surtout dans les ports des matelots désœuvrés, des faux inscrits et toute la masse des petits pêcheurs. Alors que des hommes âgés d’un village ont été blessés, des gars plus jeunes, sous prétexte qu’ils sont inscrits maritimes, vendangent paisiblement les vignes des mobilisés. Il faut mettre un terme à cet abus. Une dépêche du 29 octobre ordonne la levée immédiate de tous les inactifs, et la décision du ministre ne s’applique pas seulement aux inscrits non portés sur un rôle et aux faux inscrits, bouchers, boulangers, employés de tramway qui, par je ne sais quel subterfuge, continuaient à figurer sur les matricules des gens de mer ; elle s’étend également à tous ceux qui, même embarqués régulièrement, ne pratiquent pas une navigation active et utile au pays. Il importe donc de déterminer quels sont les marins qui remplissent cette condition.

On sait que les matricules enregistrent les embarquemens des marins au fur et à mesure qu’ils se produisent. Il est donc possible de savoir à tout moment la situation des inscrits. C’est par la recherche individuelle des cas d’espèce que les ordres du ministre peuvent être exécutés. Il faut agir avec tact, de façon à ne point désorganiser les campagnes de pêche, qui sont en pleine période de production. On ne touchera donc point aux harenguiers ni aux sardiniers qui pourront achever leur saison.

La levée immédiate de quelques centaines d’inscrits représente un intérêt général beaucoup moindre que l’ouverture d’usines alimentaires qui font vivre toute une région et approvisionnent l’armée. Les chalutiers à voiles et à vapeur profitent également de l’exemption temporaire. En revanche, des coupes sombres sont apportées dans l’armement des barques de petite pêche qui ne se livrent pas à une navigation manifestement active. Les pêcheurs à pied, ceux des étangs salés et des rivières, les patrons de « pointus, » tout ce monde-là reçoit son ordre d’appel. Les ostréiculteurs qui, un instant, font mine de protester sont assimilés à de simples ouvriers agricoles et suivent le sort de leurs classes.

De cette façon, les matricules des gens de mer ont été déblayées et il ne reste dans les quartiers que des professionnels du commerce ou de la pêche. Une équivoque subsiste toutefois.