Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’« ingéniosité allemande » tout pareils à l’émouvant épisode que voici :


La bataille de l’Albert Silver Mine, le matin du 4 novembre, était proche de sa fin, lorsque se produisit un fait des plus fâcheux. Deux drapeaux blancs furent hissés par les rebelles ; sur quoi le lieutenant S. R. Haines, des carabiniers du Natal, croyant le combat terminé, se releva du tertre où il était assis et fit quelques pas en avant pour aller recevoir la soumission des vaincus. Et comme déjà il était tout près d’eux, il reçut à bout portant, dans l’intestin, une blessure dont il mourut quelques minutes après. Parmi les nombreux témoignages relatifs à cette mort, l’un des plus saisissans est celui du sous-inspecteur Betts. Ce dernier rapporte sous serment que, pendant la mêlée, il a vu se dresser en l’air deux fusils, avec un mouchoir blanc attaché à chacun d’eux. Aussitôt, le lieutenant Haines a donné l’ordre de cesser le feu, et s’est relevé pour aller recevoir la soumission ainsi offerte. Mais voilà que, soudain, l’un des deux fusils a été délibérément abaissé, et a fait feu sur le lieutenant Haines ; après quoi, il s’est de nouveau, précipitamment, redressé au niveau de l’autre fusil orné d’un mouchoir blanc ! Et lorsque, environ une demi-heure plus tard, les rebelles ont décidément exprimé leur désir de se rendre, le sous-inspecteur Betts a couru à l’endroit où avaient été traîtreusement arborés les drapeaux blancs : mais ceux-ci avaient disparu. Il n’y avait là, maintenant, qu’un ancien pasteur devenu officier dans l’armée des rebelles : le révérend M. Fourie, frère du chef rebelle Japie Fourie. L’ex-pasteur gisait, gravement blessé, tout juste à l’endroit d’où l’inspecteur Betts avait vu tirer sur le lieutenant Haines : mais quand on lui a demandé s’il avait pris part à la mort du lieutenant, il l’a nié énergiquement, d’un signe de tête.


Il est vrai que les dénégations de l’ex-pasteur M. Fourie ne devaient guère avoir plus de portée que celles de la plupart des autres officiers de l’armée rebelle, qui cent fois, au cours du livre de M. Sampson nous apparaissent prêts à garantir de leur parole d’honneur les affirmations les plus mensongères. C’est ainsi que le propre frère du susdit Révérend, qui, au début de la guerre civile, se trouvait être capitaine dans l’armée régulière, n’avait réussi à entraîner ses hommes dans le parti des rebelles qu’en leur attestant que tous les Boers étaient de ce parti : si bien que très grande avait été la surprise de ces braves gens lorsque, faits prisonniers par l’armée du général Botha, ils avaient découvert que celle-ci était formée de leurs compatriotes, au lieu de ne contenir absolument que des soldats anglais. Au reste, l’on n’imagine pas le rôle qu’ont joué le mensonge et la mystification dans l’enrôlement de toutes ces troupes rassemblées et dirigées sous une impulsion allemande plus ou moins avouée. Ici, ce sont des chefs faisant croire à leurs hommes que les généraux Botha et Smuts sont de