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cœur avec eux, et n’attendent qu’une occasion pour mettre la main sur les représentans de l’Angleterre ; ailleurs, on obtient l’adhésion de centaines de naïfs burghers en leur annonçant que les Anglais ont subi en Europe une défaite irréparable, et que l’empire des mers appartient désormais à la flotte allemande. Pas une page du livre anglais où nous n’ayons ainsi l’impression de retrouver, presque mot pour mot, les récits que nous offraient nos journaux français d’il y a dix-huit mois ; et voilà que toutes ces ruses et toutes ces bassesses que nous supposions exclusivement réservées à l’usage des « Boches, » voilà qu’elles sont couramment pratiquées sous nos yeux par des compatriotes d’intrépides héros sud-africains qui, naguère, s’étaient conquis d’emblée l’admiration et le respect du monde, avec leurs âmes candides de grands enfans ignorans des secrets de la vieille perversité européenne !


Dira-t-on que cette facilité d’adaptation des Boers rebelles à de nouvelles mœurs politiques et militaires doit avoir résulté chez eux de certains penchans profonds, et jusqu’ici cachés, de leur race ? Nous pourrions le croire, en effet, si la vue de la parfaite candeur et limpidité d’âme des autres Boers, — de ceux qui n’avaient subi à aucun degré la funeste contagion allemande, — ne venait pas nous prouver à chaque instant l’impossibilité d’une telle hypothèse. Je regrette de tout mon cœur que la place me manque pour essayer même de signaler brièvement au lecteur français l’exemplaire beauté morale de ces simples et fortes figures de paysans-soldats, à commencer par celles de leurs deux incomparables chefs, les généraux Smuts et Botha : mais avec cela quelle étonnante ingénuité, chez tous les officiers et soldats « loyalistes » que nous montre le livre de M. Samp-son ! Les rebelles ont beau user indéfiniment des mêmes ruses telles que celle du drapeau blanc dont j’ai déjà cité des exemples : jusqu’à la fin de la guerre civile, les « loyalistes » continuent à s’y laisser prendre, comme aussi ils apparaissent incapables de résister à l’élan de pitié qui les porte à vouloir secourir des ennemis blessés, encore que cent fois déjà leurs compagnons aient payé de leur vie le même accès de confiante pitié. Il est vrai que, à la fin de toutes ces rencontres où les pièges « allemands » de l’ennemi leur ont fait perdre un bon nombre d’hommes, ce sont toujours les troupes M loyalistes » qui remportent l’avantage, parfois même avec des forces sensiblement inférieures, — car, si elles n’ont point la malice des Boers « germanisés » qu’elles sont chargées de poursuivre, à coup sûr,