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raisonnables. Pratiquement, elles sont souvent inappliquées, — on ne constitue pas de tutelles pour les enfans pauvres, — et quand on les applique, elles sont médiocrement efficaces.

Les précautions édictées sont impuissantes à défendre l'orphelin contre les négligences possibles et trop fréquentes des tuteurs.

La gestion tutélaire s'exerce censément sous le contrôle de la famille et de la justice. Or, la justice, en ces matières, n'a qu'un rôle passif. Elle n'est saisie que s'il y a scandale, et les scandales sont heureusement rares.

Quant à la famille, elle est ici représentée par deux rouages également ankylosés, la subrogée-tutelle et le conseil de famille.

Les subrogés-tuteurs, sans encourir ni risques ni blâme, peuvent ne rien faire, ou presque rien. Ils abusent de cette faculté, pensant, non sans quelque raison, que leur intervention dans la gestion tutélaire paraîtrait indiscrète.

Quant aux conseils de famille, leurs membres irresponsables, indifférens pour la plupart aux mineurs qu'ils connaissent à peine, choisis en fait sur la désignation des tuteurs, s'évertuent, quand la loi veut qu'on les convoque, à couvrir les actes de ces derniers, bien plus qu'ils ne se préoccupent de contrôler leur gestion et d'éviter leurs fautes.

Ces lacunes de la législation des tutelles, signalées dans tous les ouvrages de droit, sont apparues de même à l'étranger. Les pays du Nord y remédient par ce que les Allemands appellent l’Obervormandschaft ; cela consiste à instituer, au-dessus de la tutelle familiale, une surtutelle administrative dont la surveillance ne peut être efficace qu'en ne craignant pas d'être tracassière.

Ces vices du système l'ont fait condamner en France toutes les fois qu'on a tenté de l'y introduire. Rappelons l'intéressant débat ouvert en 1003, sur ce sujet, par la Société d'études législatives. L'institution de la « surtutelle » y fut habilement et ardemment, mais vainement défendue par deux maîtres d'une compétence indiscutée, l'éminent professeur Saleilles, si prématurément enlevé à la science, et le regretté Gastambide, frappé glorieusement, au début de la guerre, par les balles ennemies. Leurs argumens n'ont entraîné que peu de convictions.

Rappelons aussi l'accueil assez froid qu'ont reçu les propositions parlementaires analogues, si unanime qu'on fût à