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leurs dalles funèbres, dans le monastère de San Salvador de Leyre. A deux lieues, s’élevait la riante cité de Sanguessa, riche en écoliers et en moines. Xavier ne riait pas. La terre n’y était point pauvre, puisqu’elle produisait du vin, de l’huile, du froment, de beaux pâturages et force gibier. Mais elle produisait aussi des pierres, et les sierras qui l’entouraient avaient cette sombre âpreté qui donne si souvent au paysage espagnol la tristesse d’un lendemain d’incendie. Le petit château fort crénelé était là en sentinelle. Il gardait le passage avec l’air honorable et soucieux des gens et des choses dont un poste de surveillance est la première raison d’être.

François était le sixième enfant de ses parens. Son père, le docteur Juan de Jassu, descendait d’une famille établie vers le milieu du XIVe siècle à Saint-Jean-Pied-de-Port. L’anoblissement des Jassu était d’assez fraîche date. Revenu de Bologne, où l’Université lui avait conféré le plein pouvoir d’enseigner magistralement le droit canon, Juan avait été nommé Maître des Finances à la Chambre des Comptes, puis alcade de la Corte Mayor. Il avait épousé Maria de Azpilcueta, qui, n’ayant point de frères et étant l’aînée de ses sœurs, le constitua par son mariage héritier des noms, de la gloire et de la fortune des Azpilcueta et seigneur du palacio de Xavier. La fortune des Azpilcueta pesait moins lourd que leur épée ; mais ils avaient pour eux l’antiquité de leur nom. « Leur palacio était debout avant Charlemagne ! » s’écriera un des leurs, le fameux docteur Navarro. Les Aznarès, tige des Xavier, d’où était issue la mère de Maria, partageaient un de leurs ancêtres avec les rois de Navarre et d’Aragon. Dès qu’on touche aux Pyrénées, on ne pénètre point dans la casa d’un simple hobereau, qu’on n’y réveille des échos de chevalerie. Mais il en est un peu comme de ces farouches cités africaines, ceintes d’un rempart de terre sèche et dont les portes guerrières, qui ne semblent faites que pour livrer passage à des charges furieuses ou à de splendides fantasias, laissent sortir au jour levant des troupeaux de moutons. Toute cette hidalguia n’est que la façade d’une vie bourgeoise et rurale, dont il est vrai que les moindres incidens en reçoivent parfois une grande ombre de noblesse.

Parmi les documens que l’infatigable Père Cros a recueillis sur la famille de François, les pièces qui concernent les démêlés du seigneur de Xavier avec les habitans de Sanguessa et