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par le Père Cros : « Vous avez su comment les Castillans, enfermés dans la forteresse de Pampelune, commencèrent à tourner leur artillerie contre la ville. Les Français dressèrent la leur à la barbe de la forteresse, et, chose incroyable, chose que l’on ose à peine dire, après six heures d’horloge que dura le siège, les Castillans se rendirent, demandant la vie. » Les deux fils aînés du docteur de Jassu, Miguel et Juan, combattaient dans les rangs des Français. Mais ce que l’auteur de cette lettre ignorait, c’est que, parmi les Castillans de la citadelle, il y en avait un qui ne voulait pas se rendre, qui se battit jusqu’au bout, et qui tomba, la jambe brisée : ce preux avait nom Ignace de Loyola. Il s’en fallut de peu que la Société de Jésus ne vit jamais le jour. Elle est née de cette blessure, qui, plus grave, eût été mortelle, et, plus légère, n’aurait pas eu la longue convalescence d’où sortit une si puissante méditation. François ne se doutait guère que son futur maître et père spirituel se trouvait en ce moment au nombre de ces ennemis dont la défaite faisait rentrer la gloire dans sa maison.

Mais plus de gloire que de prospérité, et plus d’angoisse aussi ! Cette victoire fut bientôt suivie du désastre de Noaïn. Les Navarrais se retirèrent à Maya, que les Espagnols emportèrent d’assaut ; Miguel, prisonnier et jeté dans cette même forteresse de Pampelune, fut en péril de mort. Il se sauva, et gagna Fontarabie, dernier rempart de la Navarre française. Le pays était las de lutter. Charles-Quint, le 15 décembre 1523, accorda à ses sujets repentis un pardon général, dont il n’excepta qu’un certain nombre de rebelles impénitens, les deux fils du seigneur de Xavier et plusieurs membres des Jassu. Mais il ne triompha de Fontarabie qu’en étendant à ses défenseurs le bénéfice de cette amnistie. La capitulation eut lieu en février 1524. Miguel et son frère rentrèrent à Xavier, où ils se reposèrent de leurs labeurs héroïques en travaillant à refaire leur fortune. Comme ces vieux Romains, dont les Basques avaient été les derniers à recevoir le joug, et les derniers aussi à le rejeter, ils déposèrent les armes et retournèrent à leurs moutons, et même à leurs procès de moutons.

Lorsque sa famille sortait enfin de la tourmente, François atteignait sa dix-huitième année. Quelles études avait-il faites pendant tout ce temps d’inquiétudes et de misères ? Et où les avait-il faites ? Au collège florissant de Sanguessa, ou à