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dangereux adversaire ; ou bien nous laisserons les choses en l’état et alors, cet adversaire continuant à s’alimenter par le Nord[1], c’est la prolongation indéfinie de la guerre…

Je me hâte de le dire : si la question se posait avec cette rigueur, mon choix serait fait aussitôt et nul ne doutera que ce ne fût dans le sens du resserrement du blocus… Je discerne nettement les conséquences graves, les conséquences inattendues pour beaucoup de gens, — et non des moindres ! — des résolutions conjointes qui vont être prises à Londres, à Paris, à Rome, peut-être à Pétrograd, je suppose aussi, au sujet du blocus à distance de l’Allemagne ; mais tout vaut mieux que la situation actuelle. Assez de leurres et d’illusions ; assez de cette politique timorée, dont on ne sait au juste si elle est pacifiste ou belliqueuse et qui nous rend la risée non pas seulement de nos ennemis, mais des prétendus neutres qui les favorisent, tout en s’enrichissant eux-mêmes !

Mais, en réalité, le dilemme ne se pose pas. Pour sortir de ce que l’on croirait une impasse, il y a une issue parfaitement indiquée et que découvre suffisamment déjà la discussion à laquelle nous venons de nous livrer. C’est le blocus effectif. C’est, au moyen de négociations en même temps que d’actes de vigueur dont je ne saurais donner ici le détail, l’entrée des flottes alliées dans la Baltique. On a beau tourner et retourner le problème qui nous occupe, il faut toujours en arriver à cette solution, la seule qui satisfasse à toutes les conditions. Supposons-la adoptée et suivie d’effet : du coup tombent toutes les objections et disparaissent toutes les difficultés du côté des neutres. Non pas, certes, que leurs intérêts trouvent leur compte à l’arrêt presque total de leur négoce avec notre ennemi, mais c’est qu’ils n’ont vraiment plus rien à dire contre nous. Nous exerçons notre droit de suite plein, absolu, puisque nous bloquons effectivement. Et de plus, nous montrons enfin décision, énergie et force. Or, la force donne toujours raison, même à qui a tort… J’ajoute que, du même coup, les opérations louches de la guerre sous-marine deviennent impossibles ou

  1. Il est bien entendu que je ne fais pas abstraction des ressources que les deux Empires du Centre peuvent tirer de la Turquie d’Asie, encore que ces ressources soient bien inférieures à ce qu’ils attendaient. Je n’oublie pas non plus que certains ports méditerranéens, qui, par la Suisse, peuvent correspondre assez directement avec l’Allemagne, figurent en bonne place sur les tableaux d’importations extraordinaires, ceux du coton, par exemple.