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formelle que la Belgique n’avait rien à redouter de l’Allemagne, et que son gouvernement trouverait sans doute inutile d’amplifier ou de répéter ses déclarations antérieures à cet égard.

Ce même langage, M. de Below-Salesko le tint encore à M. Davignon le lendemain 2 août dans la matinée[1]… le jour même où il allait remettre l’ultimatum de son gouvernement ! et il fit, — en son nom personnel toujours, — des déclarations rassurantes analogues, à des représentans de la presse : « Le toit de votre voisin brûlera peut-être, mais votre maison restera sauve, » dit-il à un rédacteur du Soir, qui publia cette interview à trois heures de l’après-mid !… De son côté, le capitaine Brinckmann attaché militaire allemand, disait, à onze heures du matin, à un rédacteur du XXe Siècle, qui l’interrogeait par téléphone : « Il n’est pas vrai que l’Allemagne ait déclaré la guerre… Nos troupes n’ont pas occupé le grand-duché de Luxembourg… Ce sont de fausses nouvelles lancées par des gens hostiles à l’Empire allemand. » Le XXe Siècle publia ces déclarations de l’attaché militaire dans son édition de quinze heures.

Ce 2 août était un dimanche. Dans la matinée nous apprîmes par un télégramme du ministre de Belgique à Saint-Pétersbourg, lancé la veille au soir, la déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie et la mobilisation générale des armées allemandes. L’après-midi, un télégramme de M. Eyschen, ministre d’Etat du Luxembourg, nous annonça la cynique invasion du grand-duché par les forces impériales[2].

La journée avait donc été agitée ; vers sept heures du soir, mon travail terminé, je quittai la direction politique en même temps que le baron de Gaiffier[3]. Avant de gagner la sortie principale du Ministère, rue de la Loi, nous entrâmes dans le bureau du secrétaire général, situé tout à côté. Nous passâmes en revue, avec le baron van der EIst, les nouvelles arrivées depuis le matin. Il n’y avait plus d’illusions à se faire : le jeu des alliances entraînait l’une après l’autre les Puissances dans le tourbillon ; déjà la Russie était en guerre avec l’Allemagne. L’invasion du Luxembourg marquait clairement que la guerre

  1. Premier Livre Gris, n° 19.
  2. Premier Livre Gris, n° 18.
  3. Directeur général de la politique, précédemment ministre de Belgique à Peking, au Caire et a Uucare6t.