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du Parc que le cortège royal devait contourner. Le ministère des Affaires étrangères est tout à côté du Palais de la Nation où siègent les Chambres. Une de ses façades borde la petite place située devant ce palais, l’autre longe la rue de la Loi perpendiculairement à la première.

Un peu avant dix heures, je me rendis dans le bureau du secrétaire général dont les fenêtres prennent jour sur la rue de la Loi, au rez-de-chaussée. La ville avait déjà revêtu l’apparence de fête qu’elle conserva jusqu’après l’entrée des Allemands : chaque maison avait, dès la veille, arboré spontanément le drapeau national. Par ce geste de fierté, le peuple avait exprimé la satisfaction qu’il éprouvait de savoir que le gouvernement avait fidèlement interprété, dans sa réponse à l’Allemagne, le sentiment intime de toute la nation.

A dix heures, un premier frisson d’enthousiasme parcourut la foule lorsqu’une voiture découverte de la Cour amena au Parlement la Reine et ses trois enfans. Tout le trajet depuis le Palais fut une longue et émouvante ovation.

Trois minutes plus tard, une acclamation formidable parvint jusqu’à moi à travers le Parc. Le Roi avait quitté le Palais. Par la rue Royale, il approchait ; son arrivée était annoncée par la tempête d’émotion et de cris qui secouait la foule, dans la rue, sur les balcons, jusque sur les toits… Le cortège tourna le coin du Parc : précédé d’une escorte de cavalerie de la garde civique, suivi des officiers de sa Maison, notre souverain s’avançait tranquillement à cheval, botté et en uniforme de campagne, pâle, mais se dominant visiblement ; les traits empreints d’une gravité solennelle, il répondait lentement de la main aux acclamations, intenses, vibrantes, de la foule : « Vive, vive le Roi ! Vive, vive la Belgique ! » Il semblait que le peuple ne pouvait se rassasier de répéter ces cris qui se confondaient dans une magnifique ovation.

Lorsque le Roi fut arrivé au centre de la place qui précède le Palais de la Nation, il descendit de cheval, et je le vis, au milieu d’une clameur immense, déchaînée, s’avancer à pied vers le perron où se tenait une députation de sénateurs et de membres de la Chambre des Représentans. Leur émotion comme celle de tous était intense, profonde. Les bras tendus en avant, les mandataires du pays semblaient vouloir étreindre le Roi, communier avec lui, lui dire, — une dernière fois