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LA HOUILLE VERTE.


salaires, se répandait de plus en plus dans les classes rurales et ouvrières, non seulement notre importation d’animaux étrangers diminuait, de 7 910 en 1912 l’importation des bœufs était tombée à 2 847 en 1914, pendant que nos exportations de 100 000 têtes de bovins en moyenne se maintenaient, et dans les sept premiers mois de cette même année 1914 avaient été, en Suisse seulement, de 11 198 bœufs. La guerre actuelle ouvre pour nos agriculteurs la perspective de très grands et permanens bénéfices. Les soldats, qui auront, sur le front, pris l’habitude de consommer journellement de la viande, continueront, dans une proportion très probablement moins considérable que pendant la guerre, mais certainement beaucoup plus forte qu’avant, à faire entrer la viande dans leur nourriture régulière, et chaque jour qui s’écoule, amenant une diminution dans notre troupeau bovin, crée de ce fait un danger croissant pour l’avenir, si nous n’employons pas tous les moyens en notre pouvoir pour accroître notre production de bestiaux.

Au 31 décembre 1913, la France possédait 14 800 000 têtes de bovins ; au 1er juillet 1915, ce nombre était réduit à 12 287 000 têtes, en diminution de deux millions et demi, soit de 17 pour 100, et encore dans ce nombre faut-il compter beaucoup de jeunes animaux, ce qui permet de dire que le nombre des adultes a diminué dans une proportion beaucoup plus considérable. Depuis le commencement de la guerre, l’abatage des bovidés, qui est annuellement de 1 250 000, a, on le voit, doublé, et la consommation annuelle des veaux, qui est d’environ deux millions et demi, n’ayant pas diminué, nécessite à l’heure actuelle l’introduction des viandes étrangères frigorifiées pour éviter la ruine complète de notre élevage, et assurer l’alimentation normale en France. Mais ce moyen n’est qu’un palliatif momentané. Dans l’avenir, lorsque l’Angleterre aura prélevé dans ses colonies et chez les autres nations les 700 000 tonnes de viande qu’elle y prélève, il ne restera qu’une quantité de viande étrangère très restreinte pour les autres pays. Cette situation, l’énorme consommation actuelle de viande, la nécessité après la guerre de reconstituer les troupeaux des différens pays, de les ramener à leurs effectifs normaux dans le Nord de la France, la Belgique, l’Allemagne, et tous les pays ravagés par la guerre, ce qui demandera non seulement des mois, mais des années, créant au point de vue de l’alimentation de l’Europe