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une situation difficile et critique, constituent pour le Midi pyrénéen un avenir agricole des plus prospères.

Tout cet avenir industriel et agricole dépend de l’eau. Il faut par suite non seulement l’aménager, mais veiller avec un soin jaloux à ce que rien ne vienne en diminuer l’abondance, chercher même à l’augmenter dans la mesure du possible. L’expérience a démontré que ce moyen existait, et ses résultats ont été très heureusement traduits par ces mots : « Si vous voulez de l’eau, faites des bois. » Le rôle de la forêt, pour porter au maximum la possibilité des pâturages, a été mis en évidence de la manière la plus concluante par les travaux de MM. Demontzey, Briot, Cardot, Descombes ; j’ai maintes fois montré son importance pour maintenir les hauts pâturages estivaux en bon état d’entretien et les faire ainsi concourir avec elle à l’alimentation des sources.

À ceux qui soutiennent l’absolue nécessité de sauver les forêts existantes, d’en créer même de nouvelles, on oppose l’argument du mauvais vouloir des montagnards, de l’impossibilité de leur faire accepter l’idée qu’il faut respecter les bois dans l’intérêt même de leur industrie pastorale. Cet argument paraît très sérieux, parce qu’on n’a jusqu’ici à peu près rien fait pour faire comprendre aux montagnards dans quelle proportion doivent être faits les reboisemens. La statistique des six départemens pyrénéens, Pyrénées-Orientales, Aude, Ariége, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, et Basses-Pyrénées, que j’ai établie à l’aide des documens officiels des ministères des Finances, de l’Agriculture et de l’Administration des eaux et forêts, m’a permis de déterminer dans quelles conditions la forêt exerçait sur le pâturage son maximum d’effets utiles au point de vue de la production intensive du bétail, et de formuler la règle à laquelle, d’un bout à l’autre de la chaîne, obéit cette production dans les termes suivans : Plus la surface boisée d’un bassin de la zone montagneuse pyrénéenne se rapproche, sans la dépasser, de la proportion de 30 pour 100 de la superficie totale du bassin, plus ce bassin nourrit d’animaux. On ne peut s’empêcher de remarquer que cette proportion de 30 pour 100 paraît être, d’après les données les plus certaines que nous possédions sur la contenance de la forêt pyrénéenne dans les siècles passés, celle qui a existé jusque vers la fin du XVIIe siècle, et que c’est à partir de cette époque que, concurremment avec la diminu-