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vision de l’univers, il avait éliminé d’instinct tout ce qui pouvait en troubler l’harmonie et la blancheur. On sentait que tous les tumultes du dehors étaient venus expirer au seuil de son paisible monde intérieur. Il marchait les yeux fixés sur son rêve.

Le trait essentiel chez lui, c’était l’attachement au sol natal. Il avait passé toute son enfance, toute sa jeunesse dans la maison de famille, celle qu’un lointain ancêtre a construite et que les pères lèguent à leurs fils, celle que, dans notre époque changeante et mouvante, si peu d’entre nous connaissent. C’était un rural, descendant d’une longue lignée de gentilshommes campagnards. Son pays, sa maison, il les a décrits maintes fois, notamment au début d’Ascension qui est, dans sa première partie, un roman autobiographique. Le pays, aux environs de Villefranche-de-Rouergue, est rude, puisque la pierre s’y montre, mais d’une rudesse harmonieuse, élégante. Du moins est-ce ainsi que le poète le voyait, et c’est ce qui importe. C’est le pays d’Emile Pouvillon, avec qui Charles de Pomairols fut étroitement lié : les mêmes goûts, les mêmes tendances unissaient les deux écrivains qui retrouvaient dans leurs souvenirs les mêmes images familières. La maison est, au milieu d’un cercle de collines, une bâtisse claire sur un promontoire, où souffle l’autan. Elle ressemble à beaucoup d’autres, et sa façade blanche n’a rien qui la différencie de toutes les autres façades blanches ; mais c’est elle, la maison qu’aucune autre n’égale. Une éducation toute rustique. « J’ai appris à lire à l’école du village, et j’ai, durant toute mon enfance, partagé les occupations champêtres et les simples jeux des petits paysans. Il m’en est resté une impression très fraîche, comme d’une origine tout près de terre, et j’ai gardé avec les meilleurs de mes camarades des amitiés naïves, auxquelles je suis attaché comme à quelque chose d’essentiel dans ma vie. Jusqu’à huit ou neuf ans, je suis demeuré confondu avec les petits garçons sauvages, gardiens de brebis, coureurs de chemins et dénicheurs d’oiseaux. » Si l’on veut se représenter celle enfance d’un fils de famille noble élevé parmi les paysans, cette formation d’une sensibilité de poète par la double influence de la nature et de la famille, il n’est besoin que de se rappeler un exemple illustre et de rouvrir les Confidences. Aussi quel ravissement pour l’adolescent, le jour où il lut la confession de Lamartine ! C’était sa propre histoire qu’il y retrouvait,