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qui nous réunit,— le cent quarante et unième anniversaire de la déclaration d’indépendance, — se manifesterait si nous nous figurions nous-mêmes devant quelque emblème sacré de conseil et de paix, de jugement conciliant et juste envers les nations et leur rappelant ce passage de l’Écriture : « Après le vent, après le tremblement de terre, après le feu, la voix toujours faible de l’humanité. » Et M. Wilson a appuyé : « Quand vous ne pouvez vaincre, il vous faut prendre conseil pour un arrangement. »

Il ne nous appartient pas de rechercher dans quelle mesure un tel langage est du président en fonctions de la République américaine ou du futur candidat à l’élection présidentielle d’octobre. Les cœurs les plus fermes ont leurs faiblesses, et il n’est pas d’ambitions plus tyranniques que celles qu’on avait juré de ne pas avoir. Certaines gens prétendent que la concurrence de M. Roosevelt n’a pas été sans influence sur la résolution que M. Wilson a montrée dans la rédaction de sa note du 20 avril : on prétendra, demain, que la candidature du pacifiste M. Ford, adoptée par deux des États de l’Union, aura contribué à réveiller, à raviver l’instinct qui est au fond de l’âme du Président. Mais il n’importe. De sa seule initiative, ou à la prière de l’Allemagne, pour le bien de l’humanité, par des considérations plus étroites, si M. Wilson n’en est pas encore à proclamer, déjà, en quelque sorte, il murmure, il souffle : la paix ! Et c’est son droit. Le nôtre est de n’écouter que lorsque notre heure sera venue. A l’homélie du Président Wilson, M. Raymond Poincaré, M. Aristide Briand, pour la France, M. Asquith et sir Edward Grey pour la Grande-Bretagne, M. Sazonow pour la Russie, ont, par avance, ou tout de suite répondu. La paix seulement quand les réparations nécessaires auront été faites, quand la Belgique et la Serbie auront été relevées et dédommagées, quand les Austro-Allemands auront évacué la Pologne, quand la plaie qui saignait à notre flanc depuis quarante-cinq ans aura été fermée de telle manière que jamais plus elle ne puisse se rouvrir ; quand l’assassin aura été puni et quand le voleur aura rendu gorge ; quand la force brisée aura confessé à genoux qu’il n’y a de droit que le droit ; quand l’Allemagne, enfin, aura été mise hors d’état de nuire ou d’épouvanter, et quand nous aurons sauvé d’elle pour des siècles, dût-il nous en coûter toute une génération, la génération qui grandit et celle qui va naître. Que M. Wilson daigne s’en convaincre : tous les hommes d’État de l’Entente, en parlant ainsi, se tiennent précisément « dans les limites de leur responsabilité, » et ils n’en sortent pas, mais ils les emplissent, et leur faute serait un crime, s’ils