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VIII

Cet échiquier a été, en 1648, le théâtre d’une action qui s’est jouée précisément sur cette ligne Nord-Sud qui jalonne aujourd’hui le front. Tous les champs de bataille sont des lieux obligés I Après des siècles, les nations ennemies, pour vider leurs querelles, se donnent les mêmes rendez-vous. — A la fin de 1647, les Espagnols tenaient, sur la ligne où l’on se bat aujourd’hui, Dixmude, Ypres et Armentières ; mais ils s’arrêtaient là ; au Sud d’Armentières, les Français tenaient La Bassée et Lens. De plus, chacun des partis avait des positions avancées à gauche et à droite. A l’Ouest, les Espagnols tenaient Aire, et à l’Est Landrecies. En revanche, les Français avaient une position jetée en flèche au Sud-Est d’Ypres à Courtrai ; à l’Ouest, ils tenaient Dunkerque et les petites places qui l’entourent. Le quartier général français était à Arras, le quartier général ennemi à Lille, où est encore celui du Kronprinz de Bavière. Au mois de mai 1648, commence une véritable partie de quatre coins. Les garnisons françaises de Dunkerque d’une part, de Courtrai d’autre part, marchent sur Ypres, qui est à mi-chemin des deux villes. Condé, venant de Péronne avec le gros de l’armée, arrive en même temps qu’eux. La tranchée devant Ypres fut ouverte le 19 mai, et la ville capitula le 27. Mais pendant que le gros des forces françaises assiégeait Ypres, l’archiduc ripostait en allant le 19 mai prendre Courtrai, fort avancé dans ses lignes et dégarni. A Paris, les ennemis de Condé lui imputèrent la perte de la place. Il répondit par un mémoire où il y a des phrases bien curieuses : « On n’a travaillé cet hiver en pas une de nos places du côté de la mer, si bien qu’elles ne se peuvent défendre qu’à force d’hommes ; les ennemis n’épargnent rien pour fortifier les leurs, si bien qu’avec cinq cents hommes ils peuvent mieux défendre une place que nous avec quinze cents. » (4 juin.)

Ayant enlevé Ypres, les Français tiennent donc la ligne Dunkerque-Ypres-La-Bassée-Lens-Arras, semblable en beaucoup de points à la ligne actuelle. En face d’eux, les Espagnols ont Ostende-Aire-Dixmude-Courtrai-Armentières-Douai-Cambrai. De Dunkerque, Rantzau essaie une entreprise sur Ostende, et échoue. Entre Ypres (Français) et Dixmude (Impériaux), nous