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hier soir, et j’ai commencé à faire la classe aujourd’hui. » Il croit dire et faire une chose toute simple. Et s’il est blessé, la scène est plus émouvante encore. Elle est émouvante pour les autres, car le soldat ne « s’en fait pas. » L’un d’eux l’a dit philosophiquement : « Une béquille, ne va pas mal à un maître d’école. » Vue d’avenir sur notre futur recrutement. Il sera bon que la génération heureuse qui grandit ait longtemps sous les yeux ces témoignages du prix que le bonheur dont elle jouira aura coûté. Aussi est-il question d’ouvrir des sections de mutilés dans nos écoles normales primaires. Dès maintenant, on a introduit, autant qu’on l’a pu, des mutilés dans les emplois de surveillans qui ne demandent aucune préparation technique, mais simplement une faculté d’inspirer le respect que la blessure reçue confère. — Souvent le maître n’est pas revenu et ne reviendra plus ; mais quelque chose de lui demeure : au-dessus de la chaire où il enseignait, dans quelques écoles, on lit ceci : « A la mémoire de M… votre maître, mort au champ d’honneur. Faites votre devoir comme il a fait le sien. » Ainsi sa suprême leçon est toujours présente à la mémoire des élèves. Chaque école a eu d’ailleurs sa façon spontanée et différente d’honorer ses morts à elle. Plus tard, l’Université rendra les honneurs définitifs et perpétuera les souvenirs sur le marbre et sur l’airain. Les projets pieux abondent. Attendons que la victoire jette ses rayons sur nos deuils et grandisse encore nos morts.


RAYMOND THAMIN.