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Toutefois, ce ne seront jamais ni l’Angleterre ni la Belgique qui absorberont les stocks de minerais dont nous allons disposer. Il faudra, malgré toute notre hostilité, en vendre à l’Allemagne, non pas dans son intérêt, mais dans le nôtre. Il sera juste et naturel de ne le faire qu’en échange de charbon, dans des conditions dont les bases auront été posées par le traité de commerce annexé au traité de paix, de manière à nous réserver des avantages analogues à ceux que le traité de Francfort avait assurés à nos vainqueurs contre nous. La prudence exigera d’ailleurs que ces conditions d’échange pacifique soient remises à un délai assez éloigné, après une période pendant laquelle le charbon devra nous être fourni sans contre-partie, et puissent être interrompues par nous à tout moment. Chacun sait quel était le plan allemand pour l’« après-guerre : » détruire l’outillage des pays envahis dans le Nord de la France, la Belgique et la Lorraine, enlever les machines un peu perfectionnées, de manière à défier toute concurrence pendant la phase de remise en état ; profiter alors d’une flotte commerciale restée intacte, précisément parce qu’elle n’a pu sortir des ports, pour exporter les marchandises entassées pendant les années de blocus ; et remporter ainsi, même dans le cas d’une « paix blanche, » une éclatante victoire économique. Contrairement à ce qu’attendaient les pangermanistes, il est probable que la flotte allemande formera la juste compensation des navires torpillés. Mais, même en « réquisitionnant » des machines allemandes on échange des machines volées, les mines, les usines saccagées ne pourront reprendre leur marche normale du jour au lendemain. Dans chaque branche d’industrie, des mesures seront donc à prendre pour parer à cette difficulté. En ce qui concerne le fer, ces mesures seront relativement simples. Il suffira de fermer d’abord entièrement la porte aux exportations de minerais pour paralyser des usines allemandes qui, absorbées par le soin de la défense militaire, n’ont pas dû pouvoir se constituer des stocks bien importans à l’usage du temps de paix (stocks que l’on pourrait, eux aussi, commencer par réquisitionner). De plus, il va sans dire qu’ultérieurement une mesure semblable devrait pouvoir être prise en tout temps du jour au lendemain et serait, par conséquent, à prévoir pour le moment où l’on apercevrait la moindre possibilité de guerre.


DE LAUNAY.