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aux partis dissidens, qui voudraient retenir ou arrêter l’Italie dans la voie où elle s’est engagée.

Parmi ces groupes qui font bande à part, celui des socialistes se montre le plus irréductible dans sa résistance et son parti pris d’obstruction. Mais entendons-nous bien : il ne s’agit ici que des socialistes officiels, comme ils s’intitulent en Italie, c’est-à-dire des socialistes selon la formule allemande, des orthodoxes de l’Internationale. Il est cependant hors de doute que leur propagande et leur organisation ont fait, chez nos voisins, des progrès considérables. Il faut s’en affliger pour eux comme pour nous. Les progrès du socialisme sont une grande cause de faiblesse nationale. Après nos désastres de 1870, Renan écrivait, avec une singulière perspicacité, que la principale raison de l’affaiblissement de la France, comme de l’Angleterre, c’est que les questions sociales y avaient pris le pas sur les questions nationales. Et, en logicien impitoyable, il prophétisait que les nations socialistes, énervées et désarmées par l’unique souci du bien-être matériel, étaient destinées à devenir la proie de l’Allemagne. Heureusement que nous nous sommes ressaisis à temps et nos socialistes avec nous. Quant à leurs coreligionnaires d’Italie, si nous devons juger leur attitude scandaleusement contraire aux intérêts de leur pays, avouons du moins qu’elle est conforme à leurs principes. Théoriquement, ils sont hostiles à la guerre, à celle-ci comme à toutes les autres. Et ils font remarquer que le cas de légitime défense ne peut pas être invoqué pour l’Italie, attendu qu’elle n’a pas été provoquée, ou du moins attaquée ouvertement.

Dès les origines du conflit européen, ils ont réédité leurs lieux communs et leurs habituelles déclamations pacifistes. Ils ont eu le courage d’imprimer que, pour un prolétaire, il est indifférent d’être italien, chinois, ou allemand. Bien plus, tandis qu’une minorité socialiste, même après l’invasion de la Belgique et de la France, après Reims et Louvain, continuait à se laisser éblouir par le prestige germanique, les polémistes du parti se livraient à une campagne de dénigrement et d’insinuations perfides contre nous et nos Alliés : « Je veux espérer, écrit Guglielmo Ferrero, que les influences allemandes ont été entièrement étrangères a la campagne acharnée et venimeuse faite par le journal officiel du parti socialiste, pour démontrer que tous les belligérans devaient être également exécrés, que la